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Matthieu Dossevi, période Metz – A.Reau / L’Equipe

Depuis 2008, Matthieu Dossevi arpente les pelouses françaises, européennes et africaines. Pour La Causerie, il a accepté de revenir sur les différentes étapes de sa carrière, entre titres, relégations et problèmes administratifs. À l’image de son jeu, il ne se cache jamais et en profite pour glisser quelques passes bien senties.

Pouvez-vous nous parler de votre formation à Tours puis au Mans ?  

À Tours, je n’étais pas dans un centre de formation professionnel. Jusqu’à mes dix-sept ans, j’étais donc en cours avant d’aller à l’entraînement en vélo. Je suis ensuite parti pour faire ma dernière année de lycée et passer mon bac au centre de formation du Mans. J’étais alors en U17 nationaux, puis j’ai réalisé deux années de CFA avant d’acquérir mon premier contrat professionnel. 

La réputation du centre de formation a pesé dans la balance au moment de rejoindre Le Mans ?

Il y avait quand même quelques très bons jeunes du côté de Tours. On jouait toujours le haut de tableau mais, à la fin, les meilleurs partaient dans des centres professionnels. C’est la suite logique. L’objectif est alors de progresser en évoluant dans un autre cadre. Pour moi, Tours c’est le cocon familial car mon père, mon oncle, mon frère y ont joué. Le nom Dossevi était déjà connu et je devais m’en faire un ailleurs. 

Au moment de signer professionnel au Mans, aviez-vous d’autres possibilités ? 

Pour la signature du contrat professionnel, à dix-neuf ans, je ne me souviens pas avoir eu d’autres choix. Plus tôt, par contre, j’avais effectué des essais sans qu’ils soient vraiment concluants. Rennes, Toulouse et Paris m’ont suivi et j’ai joué des tournois dans leurs équipes de jeunes. Mon physique trop frêle m’a malheureusement fermé quelques portes. Aucune déception parce que je voyais cela comme une découverte et un gain d’expérience. Cela m’a servi lors de mon passage dans le groupe professionnel avec Le Mans.

Lors de vos premières années en équipe A, vous peinez à avoir les mêmes statistiques qu’en CFA. Qu’est-ce que vous vous êtes dits à ce moment-là ?

Dès le début de ta jeune carrière, tu sais qu’il y a un monde énorme entre la CFA et le monde professionnel. T’as qu’une envie : montrer ce que tu vaux. T’es conscient que tu n’as pas encore vingt ans et que tu joues contre certains joueurs avec plus de deux-cents matchs de Ligue 1. Il n’y a pas de doute à avoir mais il faut surtout continuer de travailler pour progresser. L’objectif est de prendre la place de celui qui est au-dessus. Surtout que c’est la période dorée du Mans avec notamment Gervinho, Stéphane Sessègnon ou Tulio de Melo donc les places sont chères. Mais tu veux aussi apprendre d’eux et prendre ce qu’il faut prendre à chaque entraînement. À un moment, la CFA, ça ne te contente plus, tu veux t’attaquer au monde professionnel et tu dois forcément passer par ces étapes. 

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Comment se passent les différents choix de la suite de votre carrière, du départ de Valenciennes à ceux pour l’Olympiakos et le Standard ?

Je pense que mon départ à Valenciennes était le bon choix pour continuer de grandir. Mon frère y avait joué donc je connaissais un peu. Mais c’est surtout le projet qui m’a convaincu de passer un palier. Cela faisait quelques années que le club arrivait à se stabiliser sans craindre la relégation. J’ai continué ma progression là-bas en devenant au fur et à mesure un joueur plus confirmé. Malheureusement, au bout de la quatrième saison, nous sommes descendus. 
C’est à ce moment-là que l’Olympiakos m’a appelé et que je suis rentré dans une autre dimension. J’arrive dans un club qui a l’habitude de jouer les compétitions européennes, et même s’il est moins médiatisé, le championnat est intéressant. Le changement s’est vite ressenti avec la présaison du côté des Etats-Unis en jouant face à Liverpool, l’AC Milan ou Manchester City. J’ai eu la chance de jouer l’Europa League avec l’Olympiakos. On fait le doublé coupe-championnat. Ce sont mes premiers trophées donc ça marque forcément. Quand tu joues le maintien depuis le début de ta carrière, ça fait du bien d’être un peu au-dessus parfois (rire). Ensuite, il y a eu un changement d’entraîneur et ce dernier avait d’autres plans pour une partie des joueurs. Je n’y suis resté qu’un an mais c’était une super expérience. 
Après j’arrive au Standard pour trois années. Là encore, j’en garde de très bons souvenirs. Les supporters étaient incroyables, ils sont vraiment passionnés. À chaque match, l’engouement est tellement supérieur à ce qu’on connaît en France. Ça parle football toute la semaine ! Au sein du club par contre, c’était plus compliqué. Il y avait pas mal de divisions internes avec des changements d’entraîneurs. L’expérience est quand même positive malgré le fait que je ne sois pas venu à la bonne période. On a aussi gagné la coupe nationale.

Quelles différences avez-vous ressenties entre le championnat français, grec et belge ?

Elles se situent surtout au niveau du talent qui est bien plus fort en Ligue 1. Il y a aussi moins de médiatisation et de noms ronflants. Malgré tout, les deux autres restent des championnats compétitifs. Surtout en Belgique qui est le terrain de jeu parfait pour les jeunes qui débutent leur carrière. En plus, il y a beaucoup de scouts qui viennent chaque week-end pour les observer. Que tu sois jeune ou plus expérimenté, il suffit que tu mettes un peu le bleu de chauffe et tu as la chance d’être aperçu par certains clubs plus huppés. Le championnat grec est moins compétitif malgré trois-quatre clubs au-dessus. 

Partir à l’étranger te forge en tant que joueur, en tant qu’homme

Est-ce que vous n’avez pas un regret lié au manque de stabilité ?

C’est toujours difficile de voir ça à l’Instant T. Tu t’en rends compte plus tard. À l’Olympiakos, par exemple, j’aurais bien voulu y rester mais la direction y était opposée. À ce moment-là, t’es obligé de prendre sur toi et de trouver un autre projet, en France ou à l’étranger. C’est un perpétuel recommencement. J’ai des regrets de ne pas être resté dans certains clubs, mais pas tous.

A contrario, c’est aussi enrichissant de voir ce qu’il se passe en Grèce, en Belgique ou en Turquie.

Oui, chaque expérience est bonne à prendre. Il faut en garder quelque chose de positif. Elles te forgent en tant que joueur, en tant qu’homme. Il y a pleins de choses à découvrir, d’autres footballs mais aussi d’autres cultures. Tu sors de ta zone de confort et tu rencontres d’autres personnes. Partir à l’étranger, c’est vraiment différent. Tu es vite livré à toi-même. Peut-être un peu plus individualiste aussi à cause de la barrière de la langue et accentué par la mise en concurrence pour la place dans l’équipe type. Ça te permet de te responsabiliser. Je ne regrette pas d’avoir fait ces choix.

Matthieu Dossevi à l’Olympiakos - AFP

Matthieu Dossevi à l’Olympiakos – AFP

De la même façon, vous êtes ensuite allé à Denizlispor, quelle est la particularité du football turc ?

C’est un bon championnat. C’est cool d’y jouer car il est très ouvert. Il n’y a pas beaucoup de rigueur tactique. Après le premier but, de nombreux espaces s’ouvrent et il n’est pas rare de voir des gros scores ou des matchs qui s’enflamment dans les dernières minutes avec des contre-attaques. Toutes les équipes essayent de jouer, il y a un bon niveau technique. Pour ma situation personnelle, c’était plus compliqué. Je n’ai pas beaucoup joué à cause de problèmes administratifs. On n’a pas été payé et après ma lettre à la FIFA, le club m’a un peu boycotté.

Tu as pu profiter des ambiances malgré le Covid ?

Malheureusement tout était à huis-clos. On m’avait parlé des grosses ambiances en Turquie évidemment et j’aurai aimé vivre cela. Par contre, je retiens les derbys entre l’Olympiakos et le Panathinaïkos ou même ceux avec le PAOK Salonique. En Belgique aussi j’étais servi avec le derby contre Anderlecht. Ce sont des atmosphères uniques autour de l’événement avec de l’impatience avant et de la passion pendant.

Revenons en France avec votre saison à Metz. Que retenez-vous de ce passage ?

Sur le plan personnel, j’ai vraiment “kiffé” cette saison malgré la lutte pour le maintien qu’on n’a malheureusement pas pu empêcher. Au niveau statistique, je termine troisième meilleur passeur de Ligue 1 en jouant la quasi-intégralité de la saison. Je me suis aussi super bien entendu avec Nolan Roux qui a terminé assez haut au classement des buteurs. J’ai rencontré des gens supers. La communion avec les supporters était plus qu’appréciable avec de nombreux messages bienveillants. J’en reçois encore aujourd’hui, c’est cool. On était dernier mais les gens, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, nous réservaient un accueil chaleureux. Il nous a manqué trop de choses pour se maintenir mais je suis content de voir la situation actuelle avec Frédéric Antonetti.

Vous avez aussi joué à Toulouse durant deux saisons particulières et la conclusion de la descente en Ligue 2. Comment un groupe professionnel vit-il une telle situation ?

Je pense que la relégation avec Toulouse est la plus particulière que j’ai vécu. On n’a jamais réussi à inverser la tendance négative. À chaque fois, le scénario se retournait contre nous. Des buts en début de match, à la toute fin, juste avant la mi-temps… C’est difficile de garder le cap. Le plus dur est de gérer la situation alors que les têtes sont touchées. C’est là que tu te rends compte que la confiance a une part énorme dans la performance. Quand t’es touché mentalement, tu joues forcément plus avec le frein à main, l’adversaire le sent et tu ne peux alors jamais gagner. On avait pourtant largement de quoi faire avec cet effectif. 
Il y avait un problème au niveau du plaisir aussi. On n’en prenait aucun. On avait beau dire qu’on partait, chaque semaine, sur de nouvelles bases, rien ne changeait. Le staff faisait tout pour redonner du dynamisme en séance pour que l’on retrouve du plaisir mais la compétition te remet toujours les pieds sur terre. Chaque but encaissé est un véritable fardeau sur les épaules de chacun. Les grandes équipes se distinguent par leur capacité à passer au-dessus de ces obstacles, cela par le jeu et la tête. On ne peut pas quantifier son apport, mais la confiance est primordiale pour le collectif comme pour l’individu. Un joueur moyen en pleine confiance sera forcément meilleur qu’un joueur meilleur mais qui ne tente rien à cause du manque de confiance. Le but est vraiment de fédérer le groupe pour avancer ensemble mais on n’a pas réussi à le faire à Toulouse. Depuis, la direction a un peu changé, il y a eu du renouveau. Le club a tout pour être en Ligue 1, j’espère pour eux que le projet pourra se pérenniser sur le long terme. 

Matthieu Dossevi lors de son passage à Toulouse.

Matthieu Dossevi lors de son passage à Toulouse.

Pour revenir à votre formation, vous avez joué en Equipe de France U20 puis espoir avant de devenir international togolais. Pourquoi avoir fait ce choix ? Quand se rend-on compte que le changement est nécessaire ?  

J’ai envie de dire que c’est la suite logique. Au début, tu as le privilège de jouer pour l’Equipe de France. Surtout que j’étais au Mans donc moins mis en avant que certains de mes coéquipiers qui jouaient déjà en Ligue 1 comme, par exemple, Etienne Capoue. Je suis arrivé sur la pointe des pieds mais j’ai pu m’en servir pour m’imposer dans le club grâce au statut d’international espoir. Après avoir passé ces catégories, l’évolution de la carrière de chacun détermine les choix. Tu peux décider de rester jouer pour la France ou choisir de partir dans ton second pays pour emmagasiner de l’expérience et continuer de progresser. Moi je suis content d’avoir connu les deux. 

On parle de quelle Equipe de France espoir ?

Je ne vous fais pas de dessin, la génération 88 arrive juste après les 87. Donc après Benzema, Ben Arfa, Nasri et tous les autres. C’est donc compliqué d’arriver juste derrière. On avait quelques bons jeunes tout de même avec Etienne Capoue, Kévin Monnet-Paquet ou Yohann Thuram. J’avais aussi côtoyé Younès Belhanda au Tournoi de Toulon. On a moins explosé que la génération 87 mais c’est toujours de bons souvenirs.

Pour le futur, il faut que le projet soit stable

Toujours à propos de votre binationalité, pouvez-vous nous en dire plus sur la situation du football au Togo ?

Ce n’est jamais évident de juger le football africain à cause du manque de stabilité. Les entraîneurs changent souvent mais le continent continue de se développer. Il y a eu beaucoup de changements depuis ma première sélection (2014) sous les ordres de Claude Leroy. Il a d’ailleurs emmené un grand professionnalisme qui pouvait manquer au Togo auparavant. Il y a encore beaucoup de travail pour arriver au niveau sur certains aspects. Je suis heureux de pouvoir représenter le pays et de toujours apprendre. 

Comment se profile votre futur ?

J’ai quelques propositions par-ci par-là mais il faut que le projet soit stable pour ma famille et moi. Je prends le temps pour réfléchir mais reste évidemment ouvert à tout. Que ce soit en France ou à l’étranger. J’ai encore quelques passes décisives à donner aux attaquants. Le principal est de trouver le projet qui conviendra le mieux.

Propos recueillis par Florian J. et Enzo Leanni

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