A travers l’attribution de trophées individuels, l’opinion publique se plaint souvent de la part-belle accordée aux attaquants dans l’histoire du football. L’avènement au plus haut niveau de Cristiano Ronaldo et Lionel Messi semble accroître encore plus ce culte voué aux joueurs offensifs. Toutefois, aucun des deux n’est un véritable avant-centre à l’instar de Michael Owen ou Jean-Pierre Papin, autres lauréats du Ballon d’Or. 

Nous avions choisi d’évoquer l’élégance dans notre dossier de décembre 2020, c’est désormais une thématique plus formelle -car véritablement établie- qui va être étudiée durant ce mois. Pour vous révéler toutes les coulisses, au moment où les rédacteurs de La Causerie ont dû réaliser une liste de 24 avants-centres, les choix se sont moins dispersés que pour le joueur élégant. En effet, malgré l’attache affective envers certains attaquants à l’histoire peu commune, ce sont surtout les meilleurs buteurs de l’histoire qui sont cités. C’est ici que nos interrogations vont demeurer intéressantes : Que faut-il pour être un grand avant-centre ?

Avec le gardien de but, il occupe le poste le plus particulier sur le rectangle vert. Souvent adoré mais jamais vraiment compris. Adulé par les tribunes après un but, conspué pour une occasion ratée. Il faut dire que son rôle est souvent essentiel pour la finalité du match. Alors que les autres sports collectifs, du handball au basket en passant par le rugby, sont prolifiques et offrent de nombreux points marqués, le football, lui, fait tout l’inverse. Il n’est pas rare d’assister à une rencontre se terminant sur un score nul et vierge. L’anthropologue Abdu Gnaba s’exprimait dans un documentaire Canal + sur les sentiments que peut ressentir un supporter dans un stade de football ou devant sa télévision : “On naît au début du match, on meurt à la fin, au milieu on vit dans une tension tragique. Elle nous renvoie à un sentiment de peur. Mais cette peur, voire cette terreur, peut être soulevée par de fugaces moments de plénitude”. Ces moments sont rares et souvent conditionnés par le pied de l’avant-centre.

De son rôle découle une idée du jeu et son évolution en dit long sur l’histoire du football lui-même. L’identité tactique de l’entraîneur a un impact direct sur le numéro 9. Si l’actuel Pep Guardiola joue la plupart de ses matchs sans avant-centre, un lien est créé indirectement avec Gustav Sebes, entraîneur de la sélection nationale hongroise des années 1950. Soixante-dix ans d’écart, Nandor Hidegkuti remplacé par Phil Foden ou Bernardo Silva, entre autres, mais un jeu plus qu’offensif où les buts sont nombreux, même sans véritable buteur. Au contraire des techniciens catalans et hongrois, l’Italien Enzo Bearzot a remporté la Coupe du monde 1982 avec un jeu très défensif mais en compagnie d’un véritable avant-centre en la personne de Paolo Rossi, meilleur buteur du tournoi. 

Dans une approche tactico-technique, l’avant-centre a dû évoluer au fil des époques. Richard Pollard, auteur d’une biographie sur Charles Reep, père du kick and rush, disait : “Le ballon doit être envoyé dans le dernier tiers du terrain aussi vite que possible et maintenu dans cette zone le plus longtemps possible”. La rustre tactique britannique demandait ainsi à l’attaquant de pointe d’être là uniquement en tant que dernier maillon d’une chaîne. L’évolution tactique du football a obligé le poste à se réinventer en étant, notamment, de plus en plus technique pour n’être plus seulement ce finisseur. Avant désolidarisé du collectif, il en est aujourd’hui un élément essentiel grâce à ses mouvements avec et sans ballon. Les avants-centre ne sont pas toujours les plus élégants de l’équipe mais leurs capacités techniques se sont accrues avec le temps. Voir évoluer Karim Benzema ou Dimitar Berbatov casse ainsi réellement le mythe du buteur presque bourrin.

Lorsqu’on pense au poste le plus exigeant physiquement, le défenseur central robuste ou le milieu de terrain infatigable sont ceux qui reviennent souvent. Le numéro 9, lui,  n’est pas connu pour cet aspect athlétique. Pourtant, il est indéniable que le physique est une qualité majeure pour l’attaquant de pointe, qu’il soit catalogué comme faux 9 ou comme renard des surfaces d’ailleurs. C’est toutefois dans ce second rôle qu’il est plus simple de voir cette capacité à être explosif sur une très courte distance ou à résister aux duels. Au niveau de ce face à face avec les défenseurs, l’attaquant se doit d’être solide, au sol comme dans les airs. Dans cet exercice, Steve Mounie se distingue particulièrement : la saison dernière, il termine avec 260 duels aériens remportés ! D’autres joueurs sont dotés de capacités physiques plus qu’intéressantes mais n’en perdent pas un sens technique bien au-dessus de la moyenne. C’est notamment le cas de David Trezeguet (1m90) ou de Zlatan Ibrahimovic (1m95).

“Onze mètres, la solitude du tireur de penalty”, tel est le titre du légendaire ouvrage de Ben Lyttleton. Comme son nom l’indique, il évoque la terrible épreuve du penalty en se penchant sur son aspect psychologique. Le tireur n’est pas toujours l’avant-centre, mais c’est ce dernier qui se retrouve le plus souvent en face à face avec le gardien adverse dans le jeu. Dans cette position, le mental peut paraître plus important que la technique. Évidemment, il est avant tout essentiel de cadrer sa frappe et de tirer convenablement pour marquer mais la qualité peut varier selon les situations. En effet, elle ne sera pas la même dans une rencontre où l’attaquant a déjà ouvert son compteur but ou s’il a buté plusieurs fois sur le gardien. La confiance en soi et le courage sont des facteurs primordiaux pour le buteur mais ne peuvent être réellement quantifiées. Même l’indicateur des Expected Goals prisé par tous les analystes, à juste titre, ne peut réellement creuser cet aspect. Il ne reste pas moins évident qu’un joueur aura davantage tendance à flancher dans le money-time plutôt que dans un match où il marche sur l’eau et que son équipe enchaîne les buts. Le temps de jeu de l’attaquant peut également entrer en compte. Certains font cependant mentir les statistiques (ou suppositions ici) comme Kylian Mbappé face à l’Olympique Lyonnais en 2018 qui loupa d’abord plusieurs opportunités face à Anthony Lopes avant d’inscrire quatre buts successifs.  

Vous l’aurez sans doute compris, au cours de ce mois de décembre, nous allons analyser en profondeur le poste si particulier de numéro 9. A travers de nombreux portraits des plus grands buteurs de l’histoire ou des articles de fond sur leur rôle, La Causerie ouvre son calendrier de l’avant-centre !

Tendances

Propulsé par WordPress.com.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer