Grand artisan de la montée de La Spezia dans l’élite, Vincenzo Italiano fait, dorénavant, le bonheur de la Fiorentina. Avec un jeu très alléchant, les hommes du tacticien italien jouent les trouble-fêtes en Serie A. En course pour aller décrocher une place européenne, la Viola est une des meilleures attaques du championnat avec sa machine à marquer, Dusan Vlahovic. Si Pep Guardiola n’a jamais entraîné en Italie, son style a influencé un bon nombre de tacticiens dont Vincenzo Italiano. Focus sur le style de ce dernier.

VINCENZO ITALIANO, UN GUARDIOLISTE CONVAINCU

Un autre chauve amoureux du jeu de position. (Source : Gianluca di Marzio)

Si l’entraîneur né à Karlsruhe se dévoile au grand public aujourd’hui, il a toujours eu une philosophie offensive et ce, même avec un effectif faible comme celui de La Spezia. Dans cette ville connue pour être la porte d’entrée des Cinque Terre, Vincenzo Italiano s’est pleinement épanoui en reprenant certains principes de jeu de son mentor Pep Guardiola. “Je vois et j’étudie sa pensée footballistique. Il a tout bouleversé, il a tout bouleversé avec ce Barcelone, avec cette équipe stratosphérique, et puis regardez maintenant, il continue de proposer des choses nouvelles, avec des résultats exceptionnels : il est trop fort. Création qualitative par le bas, implication du gardien de but , défenseurs responsables, jamais un ballon jeté : tout est fermé puis on recommence, domination du jeu, beaucoup d’opportunités créées”, déclarait-il lors d’un entretien publié dans le livre “Pep Guardiola” écrit par Carlo Pizzigoni. Dès sa première saison dans l’élite avec La Spezia, les principes de jeu du coach italien sont visibles. Son équipe est assez protagoniste et cela se voit dans les statistiques avec une moyenne 54% de possession de balle lors de la saison 2020/21 avec huit matchs où cette dernière était supérieure à 60%. Les Aquilotti ont fait vibrer un bon nombre de suiveurs de la Serie A en tenant la dragée haute  des grosses écuries du championnat. L’AC Milan, le Napoli ou encore l’AS Roma ont fait les frais des coéquipiers de Matteo Ricci, la sentinelle et homme fort du 4-3-3 habituel mis en place par Vincenzo Italiano. Formé à l’AS Roma, le milieu de terrain italien a été la véritable rampe de lancement du jeu noir et blanc. Avec 85.2% de passes réussies et 325 pressions exercées lors de la saison dernière, Matteo Ricci a vu les portes de la Squadra Azzura s’entrouvrir pour l’Euro 2021. 

L’entraîneur de Manchester City inspire Vincenzo Italiano qui n’hésite pas à utiliser des concepts mis en place par le coach espagnol. Sur les relances notamment, aucun ballon n’est gaspillé et ses équipes ont la volonté de repartir proprement de derrière.

Le match contre l’AS Roma illustre parfaitement cette envie de proposer du jeu en s’appuyant sur une relance courte. Ici, les deux latéraux Cristian Dell’Orco et Riccardo Marchizza (entouré en rouge) collent la ligne de touche à une hauteur différente des deux défenseurs centraux ce qui permet d’étirer le bloc romain. De plus, la supériorité numérique à la relance est assurée par Ivan Provedel, le portier, qui sécurise la transmission entre les deux coéquipiers situés devant lui. En étirant le bloc de la Louve, les demi-espaces (en jaune) sont complétements dépourvus de joueurs romains et cela facilite la progression sur le terrain des joueurs de La Spezia. Nahuel Estevez attaquera cette zone pour solliciter le porteur du ballon, en vain. Tout comme Pep Guardiola, le tacticien italien utilise beaucoup les demi-espaces dans les phases d’attaque placée. 

Contre la Juventus où La Spezia s’est lourdement inclinée (4-1), le jeu de position dans le camp adverse a été énormément utilisé. Si les hommes d’Andrea Pirlo sont bien en place défensivement avec deux lignes très compactes, la position des latéraux proche de la ligne de touche offre des espaces dans ces lignes. Ici, Daniele Verde (entouré en rouge) se place dans le demi-espace droit (en jaune) entre Rodrigo Bentacur, Federico Chiesa et Danilo et crée l’incertitude entre ces trois joueurs. Dans cette zone, plusieurs choix s’offrent à l’ailier italien soit remiser vers son latéral, soit se retourner et provoquer balle au pied le défenseur brésilien relativement loin de lui. Le but de Tomasso Pobega interviendra quelques minutes plus tard sur une action similaire récompensant l’approche tactique de Vincenzo Italiano. 

Un une-deux se coupe facilement. Mais le troisième homme, c’est impossible à défendre”, explique Pep Guardiola. Cette phrase, l’actuel coach de la Viola semble l’avoir comprise. Ce dernier recherche très souvent avec l’utilisation du jeu en triangle le fameux troisième homme systématiquement libre de tout marquage.

Sur cette image, on voit très bien la volonté de mettre en place des jeux en triangle en disposant notamment des joueurs à cinq hauteurs différentes. En les disposant ainsi, il est plus facile de trouver des passes progressives et de gagner du terrain sur son adversaire. Dans cette configuration, il est impossible pour le porteur de balle de servir Giulio Maggiore, le milieu relayeur gauche, étant donné que la ligne de passe est coupée par Jordan Veretout. C’est à ce moment, qu’un deuxième homme en l’occurrence Diego Farias intervient pour remiser et servir le troisième. Le joueur trouvé dispose ainsi d’un peu plus de temps pour organiser le jeu.  

Le temps pour Vincenzo Italiano, il n’est pas question d’en laisser à ses adversaires. Dès la perte de balle, un pressing s’organise pour essayer de récupérer la possession du ballon le plus vite possible. Pour cela, les joueurs offensifs organisent un contre-pressing pour forcer les adversaires à utiliser le jeu long qui est, de ce fait, moins précis qu’une passe courte.

Contre Crotone, la volonté d’asphyxier l’adversaire est bien visible. Dès le coup d’envoi de la rencontre ce n’est pas moins de cinq joueurs Aquilotti qui se trouvent dans le camp de Serse Cosmi. Grâce à ces courses coordonnées, chaque solution de passe courte est coupée par un joueur de La Spezia et le gardien ne dispose que d’une option : jouer long. Cela permettra aux hommes de Vincenzo Italiano de récupérer la maîtrise du jeu et d’organiser une attaque. Sur ce match, La Spezia aura effectué 200 passes de plus que son adversaire. Avec ses principes de jeu, Vincenzo Italiano aura permis au club promu de rester dans l’élite tout en bluffant les suiveurs de la Serie A. 

LA FIORENTINA, UNE ÉQUIPE À SON IMAGE

Florence, sa nouvelle ville d’adoption. (Source : Massimo Sestini)

Quelques mois après son arrivée en Toscane, la patte Vincenzo Italiano est visible sur le terrain. Tout d’abord au niveau des statistiques, après 19 journées de championnat la Viola s’est montrée plus offensive en produisant 30 Expected Goals contre 25 l’an passé au même stade de la compétition. De même en ce qui concerne la possession. Cette saison la Viola dispose du ballon 60% du temps en moyenne contre 51% l’année passée à la mi-saison. Sur le rectangle vert, le message semble bien avoir été entendu par les gigliati.

Contre le promu Venezia, on peut voir que tous les joueurs de la Fiorentina sont présents dans le camp adverse. Les 10 hommes blancs veulent dès la première minute mettre le pied sur le ballon et s’installer près du but Vénitien. Le 4-3-3 initial de Vincenzo Italiano se mue en 2-3-5 ou en WW (2-3-2-3) avec les deux latéraux, Alvaro Odriozola et Cristiano Biraghi, qui rentrent à l’intérieur du jeu. Un précepte tactique inventé par Pep Guardiola lors de son passage au Bayern Munich. “Je ne veux pas de latéraux coureurs de fond, mais des latéraux intérieurs. Je veux des milieux qui deviennent des latéraux. Ça a été une évolution cruciale pour mon Bayern : la polyvalence d’Alaba, l’intelligence de Lahm, la versatilité de Rafinha, l’énergie de Bernat. Un trésor. (…) On ne peut plus seulement considérer les latéraux comme de braves gars qui défendent sur les côtés, et de temps à autre, montent donner un coup de main” , prêchait le coach espagnol. En plus d’apporter des solutions dans le cœur du jeu, les deux défenseurs assurent une protection supplémentaire en cas de perte de balle.

Gaël Clichy, latéral gauche ayant joué sous les ordres de Pep Guardiola une saison à Manchester City, précisait à RMC Sport dans un documentaire consacré à ce dernier : “Cette règle, c’est pour être costaud défensivement et éviter d’être pris à défaut par l’ailier. Quand on se retrouve en position haute, en tant que latéral, on ne peut pas revenir sur l’ailier. Mais si on part d’une position centrale, on peut toujours accompagner l’ailier sur l’extérieur”. Lors du match contre le promu, Cristiano Biraghi a touché 100 ballons faisant de lui le troisième joueur le plus recherché lors de cette rencontre derrière les deux défenseurs centraux, Igor et Nikola Milenkovic. Alvaro Odriozola est, quant à lui, sorti à la mi-temps tout en ayant été visé 33 fois par ses coéquipiers, une statistique plutôt intéressante malgré son remplacement précoce. 

La position des défenseurs excentrée n’est pas figée. Il arrive également que les latéraux collent la ligne de touche et dans ce cas, c’est l’ailier qui repique dans l’axe.  Pour faciliter cela contre Bologne, Vincenzo Italiano a utilisé des ailiers faux-pied en faisant jouer Nicolas Gonzalez, gaucher, à droite et Ricardo Sottil, droitier, à gauche.

À la demi-heure de jeu, c’est grâce à ce choix que les Florentins ont réussi à faire sauter le verrou Bolonais. Alvaro Odriozola (entouré en rouge) fixe deux défenseurs rossoblù et sert en retrait Nicolas Gonzalez qui a tout le temps de contrôler et d’ajuster un centre dans la zone (en jaune) laissé libre par De Silvestri. Sur cette image, on voit également la volonté d’attaquer en nombre. Il n’y a pas moins de six joueurs de la Viola présents dans les 30 derniers mètres de Bologne. Cette projection crée de l’incertitude dans la défense adverse. De Silvestri se retrouve donc à gérer un deux contre un sur son côté et sera trop loin de Youssef Maleh pour l’empêcher de reprendre ce centre. 

À l’instar de Pep Guardiola avec Sergio Busquets ou Rodri en tant que meneur de jeu reculé, Vincenzo Italiano mise beaucoup sur Lucas Torreira pour organiser le jeu de son équipe. Positionné comme pointe basse du milieu à 3, l’Uruguayen est le joueur qui réalise le plus de passes progressives parmi les joueurs de la Fiorentina avec une moyenne de cinq par match. L’ex gunners est précieux dans l’entrejeu des gigliati grâce à sa qualité de passes (87.5% de passes réussies par match) et son rôle dans la mise du pressing en atteste son nombre de pressions exercées par match en moyenne (15,1 cette saison). 

Ici contre Sassuolo, Lucas Torreira n’hésite pas à sortir de son rôle de sentinelle pour aller presser l’adversaire. Son initiative s’avérera gagnante puisqu’après avoir récupéré le ballon des pieds de Maxime Lopez, il servira dans la profondeur Dusan Vlahovic, le serial buteur de la Viola, qui catapulte le ballon dans le haut du filet d’Andrea Consigli.

Si les matchs des équipes de Vincenzo Italiano sont plaisants à regarder c’est d’une part grâce à son style offensif mais aussi à cause de la faible assise défensive dont disposent ses formations. Cette saison les Florentins n’ont réalisé que seulement quatre clean sheets en Serie A. Cela est dû souvent aux nombreux duels aériens perdus par l’arrière-garde de la Fiorentina. Les quatre hommes le plus souvent alignés en défense ne gagnent que 47% des duels aériens et sont presque tout le temps en danger lorsque l’adversaire allonge le jeu. Contre la Lazio de Maurizio Sarri et l’Inter de Simone Inzaghi, la Viola a encaissé un but venant d’un jeu au pied du gardien. 

D’un Stadio Olimpico garni de 13 000 tifosi, la Fiorentina s’est incliné un but à zéro. Le but laziale est intervenu après un dégagement de Pep Reina qui a éliminé six joueurs Florentins. Un quatre contre quatre s’installe alors, et José Callejon et Alfred Duncan (en bleu) sont trop loins pour revenir sur le quator biancocelesti. Lucas Martinez Quarta perd son duel aérien avec Sergej Milinkovic-Savic qui initie un jeu à trois avec Ciro Immobile et Pedro qui conclut d’une frappe dans la lucarne droite de Pietro Terracciano.

Un mois plus tôt, les hommes de Vincenzo Italiano avaient déjà fait les frais de ce jeu direct face à l’Inter. Marco Benassi perd son duel face à Ivan Perisic qui dévie sur Dzeko. Nicolo Barella (en bleu) se projette et se détache du marquage d’Alfred Duncan pour offrir une passe décisive à Matteo Darmian laissé libre par Cristiano Biraghi venu colmater les brèches dans l’axe de la surface de réparation. 

Sur les bancs de l’élite transalpine depuis deux années, Vincenzo Italiano œuvre grandement pour redonner de sa superbe à ce championnat trépidant. Avec La Spezia et maintenant la Fiorentina, ce tacticien italien attire l’œil d’un bon nombre d’observateurs du ballon rond. Avec sa vision protagoniste, Vincenzo Italiano joue les trouble-fêtes en Serie A et espère bien décrocher une place en Europe qui fuit la Viola depuis cinq ans. 

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