Missionnaires dans l’âme, les Norvégiens n’ont pas perdu leurs mœurs expansionnistes. Alors qu’ils marchaient pour la première fois sur le sol américain 500 ans avant un certain Colomb, les norvégiens ont pu transmettre leurs coutumes dans de nombreuses petites régions au VIIIème siècle comme les îles Féroé ou encore l’Islande en 860. Ce dernier, petit État insulaire de 350 milles habitants à la limite entre l’Océan Atlantique et l’Océan Arctique, est actuellement le pays le plus écologique du monde avec 100% de son énergie consommée totalement verte et renouvelable. Ses nombreux paysages spectaculaires sont à l’origine de cette énergie verte avec des cours d’eau défigurés par les barrages hydrauliques ou des volcans utilisés pour la géothermie. Mais si l’Islande peut se vanter de son avance dans l’écologie, elle doit tout cela à la Norvège. Le pays scandinave est à l’origine de la « terre de glace » et peut tout autant s’en réjouir.

(Source : fifpro.org)

La Norvège est aujourd’hui très active dans les combats pour l’écologie, activisme que l’on retrouve dans le sport norvégien notamment dans le football à commencer par le club de Bodø/Glimt qui a annoncé la création d’un stade totalement en bois massif pour réduire les émissions de CO2 engendré par l’installation. Bodo, alors située au-dessus du cercle polaire, la nouvelle enceinte prévue  pour 2024, utilisera la neige tombée pour arroser la pelouse qui, elle, sera entièrement de gazon artificielle à base d’olive et de sable. Mais pour l’instant, les actions norvégiennes se restreignent aux frontières du pays, sans suivre l’héritage de leurs ancêtres vikings qui ont traversé les mers pour découvrir le monde. Mais alors il y a un homme, un Norvégien qui a décidé de promouvoir l’utilisation de ces énergies renouvelables à travers sa notoriété acquise au cours de ses différents voyages dans l’Europe réalisé grâce au football qu’il pratique depuis tout petit. Cet homme se nomme Morten Thorsby, et le sang viking coule dans ses veines.

L’EXTINCTION DU FOOTBALL

Si notre chère planète a d’abord vu son écosystème tomber en ruine sous les effets du réchauffement climatique, elle risque de s’effondrer complètement dans les prochaines décennies. La hausse de la température et celle du niveau de l’eau risque de changer la façon de vivre partout sur le globe. Notre fier ami, le ballon rond, va voir son terrain de jeu jaunire sous le soleil et ses gradins inondés par la montée des eaux d’ici 2050. Selon l’étude de la Rapide Transition Alliance, d’ici 2050, près d’un terrain sur quatre de la ligue anglaise de football peut s’attendre à des inondations chaque année. Certaines enceintes comme le Stamford Bridge de Chelsea ou le Matmut Atlantique de Bordeaux verront leurs parcages saccagés par les eaux chaque année. Et si certains stade comme le Riverside de Middlesbrough sont bien trop excentrés pour être engloutis sous les inondations, leurs supporters eux, devront se munir d’un bateau pour traverser les vastes plaines inondées de la ville. Ces supporters seront également énormément touchés par les chaleurs étouffantes durant les matchs. Comme le démontre l’auteur de l’étude précédemment intitulé, David Goldblatt : « Lorsque vous combinez des températures élevées avec une humidité croissante, ce qui sera une réalité croissante pour une grande partie du monde, l’impact sur le football et la santé des joueurs et des spectateurs va être dévastateur ». Le douzième homme sera tout autant touché que ses onze acolytes. Ceux-ci seront soumis à de forte chaleur qui selon Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (IRME) pourront provoquer des « malaises et coups de chaleur, potentiellement mortels ». Et ces matchs de foot où les joueurs sont atteints physiquement, on en retrouvera beaucoup plus dans le calendrier footballistique à venir provoquant des crampes de chaleur tôt dans le match et certaines difficultés à se coordonner. Comment sera-t-il donc possible de jouer 120 minutes ? 

Et toutes ces prédictions, bien qu’elles paraissent lointaines, commencent déjà à toucher le monde du football et plus généralement du sport avec de nombreuses catastrophes naturelles. A l’image du typhon Hagibis qui a fait des ravages au Japon en 2019 durant la Coupe du monde de rugby, l’Open d’Australie 2020 a vu certaines de ses confrontations reportées à cause de la fumée qui provenait des feux qui ont transformés en desert noir 18,6 millions d’hectares de vallées. Les conditions météorologiques ont été à l’origine de nombreuses inondations de stades et donc d’annulation de matchs professionnels et amateurs dans le football anglais en 2014 et 2015.

Mais si cette grande pente du réchauffement climatique, que le monde dévale à grande vitesse, risque de mettre à pied le monde du football, ce dernier a été un des grands protagonistes de sa façonnerie.  Les fortes émissions de carbone engendré par le football sont à l’origine de la catastrophe qui nous engloutit. Le fort niveau d’aviation, de construction de stade et de montagnes de déchets dont sont à l’origine les tournois de football contribue à cette catastrophe. David Goldblatt compare les émissions de carbone rejeté par le football à celles d’un petit Etat-Nation mais ses efforts pour contrer la crise sont eux inférieurs à 1% du total mondiale. Un grand nombre de clubs s’inscrivent dans ce léger pourcentage en s’associant avec des entreprises pétrochimiques, des compagnies aériennes ou des constructeurs automobiles en tant que principaux annonceurs et sponsors. Ces clubs favorisent et promeuvent les agissements de ces entreprises ainsi à cause de leur notoriété, ils incitent quelques millions de personnes à aller à l’encontre du redressement voulu par le GIEC. La volonté du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est de réduire drastiquement notre utilisation des énergies fossiles d’ici 2030 pour éviter d’atteindre le seuil crucial de 1,5 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels.

La notoriété du football doit donc changer de camp. Il faut chercher à inclure les fans de football dans le match que nous jouons tous contre le réchauffement climatique et ainsi reconnaître le sport à ce qu’il peut faire et non à ce qu’il a fait comme le dit si bien Andrew Simms le coordinateur de la Rapid Transition Alliance : « Pour le moment, le sport fait partie du problème, mais il peut devenir une partie de la solution ».

EXEMPLE A SUIVRE

Le football est un des modèles les plus influents de la société, il joue un rôle essentiel dans la cohésion sociale et permet aux fans de se réunir sous le même emblème national. Mais bien que des tensions peuvent exister entre supporters rivaux, la défense d’une cause propre à tous ces supporters leur permet de se rassembler sous la même bannière. Ainsi, l’année dernière les fans ont mis leurs différents de côtés pour s’indigner face à la tentative de création de la Super League allant à l’encontre de leurs valeurs. Cela a prouvé qu’une mobilisation à grande échelle était possible pour défendre une cause chère aux yeux des fans. Et cela, un joueur en a bien pris conscience.

(Source : globalprogressiveforum.org)

Natif d’Oslo, Morten Thorsby a exercé plusieurs sports dans sa jeunesse comme le tennis ou le ski mais il a vu dans le football un avenir professionnel. Il fait ses débuts en professionnel à Stabaek à 17 ans alors qu’il était déjà très en avance sur ses coéquipiers notamment parce qu’il jouait au plus haut niveau national entre 16 et 21 ans. Bien qu’un avenir dans le football professionnel lui était prédestiné, un autre centre d’intérêt pris une petite place dans un coin de sa tête, la politique. Il s’est rapidement engagé dans la politique au lycée en allant à de nombreuses réunions ou en lisant de nombreux livres et recueils. Mais c’est lors de son transfert en 2014 à Heerenveen, au Pays-Bas, qu’il a réussi à trouver du temps libre. « J’ai terminé mes études secondaires aux Pays-Bas quand j’ai commencé à jouer avec Heerenveen. J’étais seul dans une petite ville donc je lisais beaucoup pendant mon temps libre, y compris sur le climat », explique le principal intéressé. À force de renforcer son envie d’aider la société face aux problèmes climatiques avec ces lectures, il raconte avoir eu de nombreux doutes sur son avenir de footballeur trouvant son projet futur trop égoïste : « C’est arrivé au point où je n’étais plus sûr de vouloir jouer au football ». Mais alors qu’il s’éloignait du rectangle vert, une discussion avec ses parents lui a permis de comprendre qu’il pouvait allié football et politique. « J’ai parlé à mes parents et nous sommes arrivés à la conclusion que je voulais utiliser ma vie pour me battre pour ce qui est important – et la meilleure chose que je puisse faire est de devenir aussi bon que possible au football et de continuer à parler de ces questions importantes. » C’est ainsi qu’il a compris qu’il pouvait réaliser quelque chose d’encore plus grand que son projet personnel.

En 2014, Morten quitte le cocon familial pour aller réaliser son rêve dans un des plus grand championnat du monde et où les fans de foot arpente les rues, l’Eredivisie au Pays-Bas. Il s’installe alors à Heerenveen où il a signé pour les 5 prochaines années et où il compte bien devenir un pilier au milieu de terrain. L’envie de servir à la société et à la survie de la Terre, Morten l’a toujours dans un coin de sa tête et, à son échelle, il essaye d’agir avec des gestes quotidiens assez simple comme venir aux entraînements en vélo ou encore moins manger de viande. Tout juste majeur, il n’hésite pas à exposer ses quelques actions dans le vestiaire et à proposer à ses coéquipiers de faire pareil. Rapidement, une partie du vestiaire commence à venir à l’entraînement en vélo notamment grâce au culte que voue les Pays-Bas au cyclisme. Mais ses premières véritables actions surviennent lorsque Morten collabore avec sa présidence pour rendre les activités du club plus durables.  Le club investit dans des vélos pour le trajet des joueurs du centre d’entraînement jusqu’au stade pour encourager à réduire l’empreinte carbone. Il a également permis au stade Abe Lenstra, de devenir le stade le plus écologique des Pays-Bas en 2016 grâce aux panneaux solaires qui ont été placés sur le toit. La même année, Thorsby est nommé joueur le plus socialement responsable d’Eredivisie et avec cela, le sponsor principal du club devient une entreprise solaire. Selon Maarteen de Fockert, coéquipier de Morten à Heerenveen : « Il est gentil, authentique et fonceur. Il ne commence pas immédiatement à crier que tout le monde devrait le faire ».

Alors que ses actions aux Pays-Bas sont remarqués localement, le Norvégien décide en 2019, après sa dernière année de contrat, de rejoindre la Sampdoria de Gênes pour se retrouver plus exposé aux regards européens dans un championnat plus huppé. Ayant le numéro 18 dans le dos au début de son passage en Ligurie, il a opté par la suite pour le 2 que l’on donne habituellement aux latéraux. Mais le choix de Morten n’a rien d’un hasard, il fait référence à l’objectif des Nations Unies de maintenir le réchauffement climatique au niveau de 1,5 degrés.  « Bien sûr, je voulais avoir le maillot 1,5, mais c’est assez difficile sur le maillot de football d’avoir 1,5 ! Alors j’ai dû m’en tenir aux deux », explique-t-il. À Gênes, il a participé à des collectes de déchets plastiques et a rencontré les autorités locales pour mettre en place un recyclage séparé des déchets ainsi que de planter des arbres dans la ville portuaire. « Je le remercie d’avoir porté la question environnementale dans un monde, souvent lointain, comme le football », le félicite Sergio Costa, ancien ministre italien de la transition écologique.

PRÉVENIR ET AGIR

Thorsby a permis aux clubs dans lesquels il est passé de se révolutionner et de prendre conscience de ce qu’ils pouvaient améliorer pour devenir plus durables. Mais son activisme ne se résume pas aux actions écologiques qu’il a réalisé dans ses clubs. Sa volonté première est de rassembler les fans, les joueurs et les clubs pour permettre au réchauffement climatique d’apparaître aux yeux des 3,5 milliards de personnes qui suivent le football. Pour cela il a dû faire face à de nombreuses difficultés et notamment son rapport avec les joueurs qui ne comprenaient pas ce que la politique faisait au milieu du terrain, « Quand j’ai commencé à parler d’environnement il y a quelques années, c’était compliqué d’être entendu par mes coéquipiers, les autres joueurs et même par les clubs, disait-il. Dans le vestiaire, je suis toujours le “garçon vert” dont on se moque quand il fait lui-même quelque chose de moins durable ». L’attention des joueurs est difficile à capter quand on parle de politique alors que pour Morten : « L’argument selon lequel la politique et le football ne sont pas liés n’est plus valable ». Ainsi, il montre que plus les années passent, plus la politique gagne sa place dans le quotidien footballistique. 

(Source : ecolosport.fr)

Rassembler le monde du football est primordial pour prévenir des dangers. Mais pour réunir les 3,5 milliards de fans, il faut les convaincre de se battre pour un sujet qui leur tient à cœur comme le combat que le football joue toujours actuellement contre le racisme avec Black Lives Matter. Alors, selon Thorsby, les éléments clés de l’industrie du football et ceux qui sont capables de changer les choses sont les joueurs : « Si vous êtes un joueur aujourd’hui, vous ne jouerez jamais pour un club raciste, peu importe l’argent en jeu ». Un joueur ne doit donc pas jouer pour un club qui ne fait pas attention à ses émissions de gaz à effet de serre ou qui ne tient pas en compte les moyens pour rendre son stade plus durable. Au vu du nombre de personnes qui regardent le football dans le monde, le fait que le football ne soit pas à sa place dans le classement des industries responsables montre que la prise de conscience n’a pas touché assez de monde. « L’industrie du football est à la traîne alors qu’elle devrait être en tête, cela peut faire une énorme différence, cela pourrait même être notre salut. Trois milliards et demi de personnes dans le monde regardent le football. Il n’y a pas de phénomène social qui touche autant de monde. »

Comme l’admettait de Fockert, son coéquipier au Pays-Bas, Morten ne cherche aucunement à imposer aux gens de changer leurs façons de vivre. « L’erreur que le mouvement écologiste a commise au cours des 20 dernières années est de l’imposer aux gens. C’est mieux de créer une ambiance où ça devient un projet commun. Inspirez et motivez les gens à montrer qu’il y a tellement de choses que nous pouvons faire », explique Morten qui propose aux joueurs de changer les gestes du quotidien pour faire une bonne action : « J’essaie de leur faire comprendre que si, par exemple, vous utilisez un peu moins la sécheuse ou ne mangez plus de viande au déjeuner, vous faites déjà une différence. Prenez un vol commercial au lieu d’un jet privé. Conduisez une voiture électrique ». Mais surtout d’agir à leur échelle en proposant à leurs abonnées sur les réseaux sociaux de faire de même. Thorsby met en place plusieurs principes à différentes échelles pour déclencher une réaction en chaîne verte mondiale. Dans un premier temps, il vise les ménages à évaluer la façon dont ils pourraient réduire leur propre empreinte puis dans un second temps d’influencer leurs connaissances sur l’environnementalisme. Enfin, et sans doute le plus important selon lui, élire des représentants soucieux de l’environnement.

En 2021, Morten Thorsby a été lauréat du prix Militantisme du joueur. Ce prix est décerné aux joueurs ayant participé à un engagement social important. Cela a permis au milieu de la Sampdoria d’avoir un financement pour ses causes et notamment son association dont il est le père fondateur, We Play Green. Cet enfant est à l’image du natif d’Oslo dans le but de rassembler et d’engager les joueurs et les clubs du monde entier à prendre des initiatives environnementales en mobilisant la grande famille du football. Fondé en 2020, de nombreux autres joueurs ont rejoint le projet à l’image du Norvégien Mats Møller Dæhli, Emil Bohinen du CSKA Moscou, le gardien Odd Sondre Rossbach, la milieu de terrain féminine de la Juventus Sofie Junge Pedersen, Maarteen De Fockert et l’ancien joueur de Newcastle Siem de Jong. We play Green, a pour but de sensibiliser les suiveurs sur les dégâts du réchauffement climatique sur le football et son environnement et ainsi rassembler les fans sous la même bannière. Les travaux de WPG vont bientôt se concrétiser avec le lancement de la WPG Sustainable League ayant pour but de renforcer la communication de nombreux clubs qui ont des bonnes initiatives pour l’environnement à l’image des Forest Green Rovers connus pour leurs nombreuses actions écologiques mais également Bodø/Glimt ainsi que Odd un autre club norvégien. La WPGSL va permettre aux acteurs du football, qui mesure la durabilité écologique et qui agissent avec des actions durables, d’avoir une plus grande portée mais va également inspirer de nombreux autres d’acteurs à agir.

L’avenir du football va s’écrire dans les années à venir. Celles-ci seront décisives pour savoir à quoi ressemblera le monde dans les centaines d’années suivantes. L’information a longtemps été un défaut dans la lutte pour le climat mais comme le dit Thorsby : « Maintenant que nous avons la bonne information nous avons l’obligation morale d’en faire quelque chose et malgré tous les discours sur l’urgence, des actions claires et concrètes sont désormais nécessaires ». Alors que le dernier rapport du GIEC pose une date limite au sauvetage de la planète, le football n’a pas d’autres choix que de rentrer maintenant en jeu et de devenir un acteur principal dans la survie de la Terre. De son côté, Morten Thorsby va continuer à diffuser son message à travers son numéro 2 qu’il ne quittera pas tant que la menace du seuil de 1,5 degré persiste.

Tendances

Propulsé par WordPress.com.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer