À 31 ans, Enzo Reale est un élément clé du GOAL FC et espère faire monter son club en National. Longtemps présenté comme l’un des plus gros espoirs du centre de formation de l’Olympique Lyonnais, le milieu créatif et coéquipier modèle n’a jamais su s’imposer au niveau professionnel.

Combien d’observateurs ayant arpenté les terrains rhônalpins au début des années 2000 auraient pu prédire la trajectoire d’Enzo Reale ? Tous s’y seraient tentés mais peu auraient eu la suite parfaite : Olympique Lyonnais (2009-2012), US Boulogne (2011-2012), FC Lorient (2012-2015), AC Arles-Avignon (2014-2015), Clermont Foot (2015-2016), Lyon Duchère AS (2017-2018), SO Cholet (2018-2019), AS Béziers (2019-2022), Manchego CR (2021-2022), GOAL FC (depuis 2022). Sacré parcours pour l’une des pépites de Tola Vologe. Yann Jouffre, son coéquipier à Lorient, n’en revient pas : « Ce n’est pas possible… Son parcours est incroyable quand on connaît son talent. »

(Source : Icon Sport)

Du talent, il en avait à revendre. Ça, les observateurs l’avaient bien cerné. Les recruteurs du centre de formation de l’OL aussi et ce sont eux qui raflent la mise. À 8 ans, le gamin de Vénissieux rejoint son club de cœur et impressionne par son aisance balle au pied. Armand Garrido, entraîneur des U17 de l’époque, se rappelle de cette pépite : « Très technique, petit gabarit, il sentait tous les coups, il avait une vista bien particulière, bien meilleur à la passe qu’au tir. C’était un vrai joueur de foot quoi. » Positionné au milieu de terrain, Enzo Reale s’impose comme le présent et le futur olympien.

ÉPANOUISSEMENT PAR LE JEU

La promotion 91 est annoncée dorée. On y retrouve Timothée Kolodziejczak, Clément Grenier ou encore Alexandre Lacazette. « Il faisait partie d’une belle génération avec au moins cinq ou six joueurs qui pouvaient passer pro mais il sortait du lot. C’était un milieu de terrain offensif, dribbleur avec une grosse confiance en lui. Son rôle était d’alimenter les attaquants et il le faisait très bien », note Robert Valette qui l’a ensuite entraîné avec la réserve. Enzo Reale porte le brassard de capitaine. Avec ses potes de l’OL et d’autres talents français comme Antoine Griezmann, Francis Coquelin ou Cédric Bakambu, il remporte l’Euro U19 en 2010. Pourtant, il ne s’imposera jamais comme eux au niveau professionnel.

« On est quand même au bord des terrains pour voir des joueurs comme lui », sourit Armand Garrido. À Lyon, sous Claude Puel puis Rémi Garde, le milieu de terrain n’arrive pas à faire son trou et part en prêt à Boulogne, en Ligue 2. Sans rancune, il s’épanouit dans un style qui lui correspond : « À 19 ans, je touchais 200 ballons par match. C’est le mieux pour un joueur comme moi de se savoir au cœur du projet de jeu. Michel Estevan disait aux défenseurs de constamment me chercher. J’ai toujours touché beaucoup de ballons, j’ai l’habitude de décrocher pour être à la première relance. » Pour son retour chez lui, l’arrivée de Steed Malbranque limite encore plus ses chances. Qu’importe, il sait désormais que son ascension passera par le jeu.

(Source : Le Télégramme)

Direction la pelouse synthétique du Moustoir et le coaching de Christian Gourcuff. Au FC Lorient, Enzo Reale touche son rêve du doigt et multiplie les matchs de Ligue 1 durant la saison 2012-2013. Alaixys Romao, Benjamin Corgnet ou Yann Jouffre partent avec une longueur d’avance mais le jeune Lyonnais montre l’étendue de son talent. En revenant sur leur association, Yann Jouffre ne garde que des bons souvenirs : « Je me régalais avec lui ! Enzo jouait 6 et moi 10. C’est un joueur atypique, il peut jouer partout au milieu. Il avait une magnifique passe cachée, en masquant sa passe il me trouvait toujours entre les lignes avec un temps d’avance. » Enzo Reale confirme : « Yann voulait tout le temps que je joue derrière lui pour que je transperce les lignes. Quand je suis 6, la seule chose que j’ai en tête est de chercher et trouver mon 10. On adorait jouer ensemble. »

Depuis plus de vingt ans, son jeu a évolué. Formé meneur de jeu aux côtés de Clément Grenier, « il s’est adapté à la « disparition des numéros 10 », d’après Robert Valette. Le principal intéressé semble d’accord : « J’aime jouer partout au milieu. Les entraîneurs veulent que je joue 10 pour utiliser ma technique dans les derniers mètres mais je préfère trouver le déséquilibre de plus bas. Si j’ai un 6 qui m’alimente bien, bien sûr que je préfère être meneur de jeu car je peux être à la dernière passe voire marquer. Suivant les systèmes, je suis là pour donner un temps d’avance à mon équipe. » Son mètre 75 et ses 69 kilos font de lui un joueur frêle mais son engagement et sa science du jeu lui permettent de prendre les clés du camion de chaque club. Yann Jouffre note son courage : « C’est un joueur fiable. Même s’il était jeune, il n’avait pas peur de demander le ballon, il ne se cachait jamais. » Son de cloche identique chez Karim Mokeddem, son entraîneur à Lyon Duchère : « Enzo a du sang froid… Il n’a même pas de sang, c’est un serpent. Quand il voit arriver trois adversaires, il n’a pas peur. Il demande constamment le ballon. »

LE GÉNIE DE LA DUCH’

Malheureusement, les années passent et Enzo Reale ne joue plus en Ligue 1. Le Lyonnais bourlingue entre la Ligue 2 et le National. Pire, il ne s’amuse plus. « Quand un club me prenait pour ne pas jouer au foot, je me demandais ce que je faisais là. J’ai été voir Corinne Diacre et lui ai dit : “Si tu ne veux pas que je décroche pour venir chercher la balle, pourquoi tu m’as pris ? Je ne sers à rien.” », raconte-t-il. Après des années de galère et une saison blanche après cette mésaventure à Clermont, il revient dans sa région pour s’engager avec La Duchère de Karim Mokeddem. L’une des équipes les plus protagonistes de la région.

Les deux hommes se connaissaient des Minguettes, club de quartier lyonnais où a commencé le jeune Enzo et où entraînait Mokeddem. Les deux parlent le même football. « C’était une belle aventure, on aurait pu monter en Ligue 2. C’était le style qui me correspondait parfaitement. Karim nous laissait beaucoup de responsabilité même s’il y avait évidemment des consignes tactiques strictes parfois. Il voulait avoir le ballon, attaquer et on se mettait à son service », se souvient le joueur. Le coach remonte quelques anecdotes de l’époque avec le sourire : « En jouant le maintien, il faut parfois faire des concessions sur le beau jeu mais ça rendait fou Enzo. Il aurait voulu constamment attaquer mais restait sérieux et appliquait les consignes. Lors d’exercices, je donnais des portes de sortie pour les relances. Je lui disais : “Enzo, tu exagères, la porte est fermée et tu veux quand même l’enfoncer par le dribble ou la passe.” Il se retournait et ruminait en disant : “Il ne voit pas que j’ai toutes les clés pour ses portes ?” »

(Source : monfoot69.fr)

Yann Jouffre évoque aussi ce tempérament volcanique : « C’est un garçon attachant mais avec un gros caractère, il était aussi capable d’envoyer chier le coach. » Contre Avranches, il voit d’ailleurs rouge et écope de cinq matchs de suspension. « Il est tellement gentil que ça en devient parfois un défaut. J’ai rarement vu un garçon gentil comme lui dans le foot. Certains se souviennent de ses coups de sang en match mais ne connaissent pas cette facette de l’homme », tempère Karim Mokeddem. Même constat pour Armand Garrido : « C’est quelqu’un d’adorable dans la vie, super simple à gérer au quotidien. »

Les blessures de Farid Talhaoui et de Hatim Sba, couplées à la longue suspension de Matthieu Ezikian (3 mois) enraillent la machine lyonnaise. L’un des plus beaux gestes de la carrière d’Enzo Reale a lieu au retour d’Ezikian. « On joue à Saint-Gratien, on est mené 2-1 dans le temps additionnel (95e minute), raconte Karim Mokeddem. Dernier corner, on doit absolument gagner. Un coup d’œil entre les deux a suffit, pas besoin de se parler. Enzo lui envoie un caviar sur une flottante à l’entrée de la surface. » Le passeur décisif analyse : « J’ai vu Matthieu en retrait, je ne l’ai même pas prévenu mais on se comprend les yeux fermés. On travaillait souvent ça à l’entraînement pour s’amuser. Donc je lui fait la passe en se disant qu’il allait bien se débrouiller avec le ballon et je ne me suis pas trompé. » Le ballon termine en lucarne. « Il n’y a que lui qui a l’idée de faire ça à ce moment d’un match aussi important. Ils étaient très connectés avec Matthieu Ezikian. Ce sont deux fous, deux génies. Qui se ressemble s’assemble », savoure encore l’entraîneur de l’époque.

LA JOIE DE JOUER

Cinq ans après son départ de La Duchère, Enzo Reale ne cache pas son émotion. « Ce sont de supers souvenirs. Il me fallait retrouver une ambiance familiale après des années de galère dans des cadres trop professionnels, ça m’a fait beaucoup de bien de m’amuser enfin. » Pour performer, le cadre doit être optimal. « Il a besoin d’avoir des entraîneurs et des joueurs autour de lui qui aiment le football », confie Karim Mokeddem. Celui que tous décrit comme « affectif » ne se sent jamais aussi bien que dans des équipes joueuses.

Les dirigeants de GOAL FC ne s’y sont pas trompés. Sous les ordres de Fabien Pujo et aux côtés de Florian Raspentino notamment, le milieu de terrain se régale de nouveau. « On a une belle équipe avec une bonne ambiance. J’y suis depuis quelques mois mais c’est comme si j’y étais depuis des années. J’ai la volonté d’enfin de me stabiliser, j’y ai signé deux ans. L’objectif est de monter en National, il y a l’effectif pour », déclare-t-il. Son ancien entraîneur Robert Valette reste amer sur ce parcours : « Maxime Blanc a un peu la même trajectoire qu’Enzo au début de carrière. Maintenant il a réussi à se stabiliser en National mais on les attendait bien plus haut. » Pourquoi ne pas avoir arrêté en chemin ? « Parce qu’il aime trop le football, répond Karim Mokeddem sans sourciller. C’est un gars qui va faire des fives avec ses copains d’enfance. Il y en a deux qui font 100 kilos, il y en a trois qui n’avancent pas. » 

Avant son arrivée dans le Beaujolais, Enzo Reale a connu sa première pige à l’étranger, au CD Manchego Ciudad Real, en quatrième division espagnole. De bons souvenirs pour le joueur : « À Manchego, le jeu était très technique, ça se rapproche du National en France. Il y a beaucoup d’intensité par rapport à ce qu’on peut penser, il y a un rythme de dingue, on ne se laisse pas jouer. » Ce départ aurait dû arriver quelques années auparavant selon son ami Karim Mokeddem : « Il aurait dû partir très tôt dans un championnat hispanique. Dès qu’il a vu que ça ne marchait pas en France, il aurait dû aller en Espagne. Il aurait fait une carrière à la Antoine Griezmann. Au début des années 2010, c’est là-bas que ça joue vraiment au foot. Il rentre totalement dans les caractéristiques de jeu du Barça par exemple. » Des regrets ? Enzo Reale semble lucide sur sa carrière. « En équipe de France jeune, Antoine (Griezmann) me disait souvent de venir jouer en Espagne. Je lui disais : “Je suis à l’OL, qu’est-ce que j’irai faire à la Real Sociedad ?” Il n’avait peut-être pas tort, mon jeu était sûrement fait pour ça », se remémore-t-il avec le sourire.

Anciens coéquipiers et entraîneurs gardent tous de bons souvenirs d’Enzo Reale. Sur le terrain, il faisait constamment l’unanimité avec sa palette technique. En dehors, son sourire espiègle et sa gentillesse font oublier son impulsivité. « C’était un jeune adolescent qui ne faisait pas de vagues. Il était sérieux, calme, respectueux mais savait qu’il avait du talent à revendre », raconte Armand Garrido. Même si sa destinée ne le montre pas forcément, il est effectivement pétri de talent. Encore faut-il que l’environnement sportif le laisse s’exprimer.

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