Ce mercredi (21 heures), l’Olympique de Marseille accueille le FC Annecy pour le dernier quart de finale de Coupe de France. Ce stade de la compétition n’a jamais été atteint par le club haut-savoyard, mais s’inscrit dans une progression logique commencée dans les championnats amateurs.

« C’est allé beaucoup plus vite que ce qu’on avait imaginé. L’ascension est rapide, mais elle est construite dans le temps, ce n’est pas le fruit d’une politique court-termiste », débute Stéphane Loison. Entre 2008 et 2020, le local de l’étape est devenu président historique du FC Annecy. Le club est alors en DHR (équivalent de la R2 actuelle) et ne s’est jamais vraiment relevé de la liquidation judiciaire de 1993. Pour remettre le Fécé sur les bons rails, Stéphane Loison a commencé en tant qu’éducateur dans le pôle de performance mis en place par Jean-Philippe Nallet sous la présidence de Michel Rousseaux. 

DANS L’OMBRE D’ÉVIAN

Alors qu’il avait subitement quitté le club pour raisons personnelles, Michel Rousseaux est rappelé par Stéphane Loison. Celui-ci veut d’abord co-présider pour que le passage de témoin soit parfaitement effectué : « On ne voulait pas que le travail de formation parte à la poubelle lors du changement de propriétaire. J’ai été d’accord pour devenir le nouveau président à condition que mon prédécesseur m’accompagne durant une année. » On ne parle évidemment pas encore de Ligue 2 au sein du club. L’ambition est alors de performer grâce aux joueurs formés. « On a consolidé notre équipe d’éducateurs, ça a été un travail de longue haleine. Quand les jeunes sont arrivés en seniors, on a eu la sensation du travail bien fait. L’objectif suivant a été de devenir un club amateur référence du territoire », raconte le président historique.

(Source : Dauphiné Libéré / Greg YETCHMENIZA)

Le club professionnel qui fait du bruit dans la région n’est autre qu’Évian Thonon Gaillard. Pendant que le FCA patiente, l’ETG grille les étapes avec l’aide de Danone, Michel Denisot ou Bixente Lizarazu. « Au début, la cohabitation a été compliquée. On s’est fait marcher dessus, on a été viré de notre stade, ils n’ont pas pris de pincettes avec le petit club du coin », explique Stéphane Loison. L’entraînement du vendredi devient impossible et les ambitions annéciennes sont ainsi freinées. Pas suffisant pour décourager les dirigeants : « On a réfléchi pour grandir dans l’ombre d’Evian Thonon Gaillard et on est devenu leur pilier en leur fournissant nos meilleurs joueurs formés. Par rapport à notre projet de club formateur, devenir leur allié était la meilleure solution. » C’est dans cette optique que le jeune Adrien Thomasson a signé à l’ETG, en 2011, après trois années de formation au Fécé.

À cette époque, Stéphane Loison et son  équipe voient déjà loin. Ils débutent le projet « Cap 2015 » visant à atteindre les divisions nationales avant cette date. Michel Poinsignon arrive avec le bagage d’un des meilleurs entraîneurs du coin avec des expériences reconnues à Annemasse, Rumilly et Chambéry. « On a montré aux joueurs que nous étions ambitieux. On ne pouvait pas concurrencer les clubs plus riches aux alentours ou en Suisse, mais on a voulu que tout le monde reste pour des raisons sportives avec une recherche de plus en plus forte de résultats avec l’équipe première », rembobine le président de l’époque.

MONTÉES SUCCESSIVES

Cette ambition porte ses fruits. Le passage de témoin se fait désormais avec Évian Thonon Gaillard. En 2015, l’ETG est relégué en Ligue 2 et commence sa descente en enfer, tandis que le FCA monte en National 3 et rentre dans son objectif initial. L’année suivante, Évian est relégué sportivement puis est placé en redressement judiciaire et Annecy monte en National 2. « On a continué de travailler dans le temps sans jamais se précipiter. » Pourtant, tout va très vite pour ces dirigeants patients.

Après « Cap 2015 », Stéphane Loison, Jean-Philippe Nallet, Sébastien Faraglia et l’ensemble du club se donnent un nouvel objectif : « Twenties » dont le but est de monter en National en 2020. Mission réussie puisque l’arrêt du championnat dû à la pandémie en mars 2020 propulse le FC Annecy au troisième échelon français. « Je n’ai jamais demandé à ce qu’on joue la montée en début de saison, explique l’ancien président. Tout se fait naturellement en fonction de la qualité de notre travail au cours de l’année. Ça ne peut fonctionner que dans le temps. En National 2, on a mis quatre ans à monter car le gap était cette fois assez élevé et on a vu que les jeunes issus de la formation ne suffisaient plus. On est monté jusque-là avec un effectif fait à 80 % de joueurs du centre, mais ensuite il a fallu recruter intelligemment pour ne plus plafonner. »

(Source : Dauphiné Libéré / Thierry GUILLOT)

Jean-Jacques Rocchi fait partie de ces joueurs arrivés pour passer un cap. « Avant que je signe, les discussions avec les dirigeants m’ont prouvé que c’était un club bien structuré. Ils savaient déjà où ils voulaient aller », explique l’ailier gauche. Le National d’abord, mais le monde professionnel commence à occuper une place de plus en plus importante dans la tête des Annéciens. Stéphane Loison décide alors de créer une société : « La SAS n’était pas de l’ambition, mais de la structuration. Certains clubs qui montent en Ligue 2 sont obligés de créer la société un peu à la va-vite. On a donc voulu anticiper pour s’éviter des problèmes en cas d’éventuelle montée. Comme ça, notre énergie pouvait se concentrer uniquement sur les objectifs sportifs. La réussite de cette année est le résultat même de cette stratégie d’anticipation. » La montée arrive plus vite que prévu. Seulement deux saisons de National et voilà la Ligue 2.

DES VALEURS COMMUNES

« La réussite est provoquée par l’ensemble du club. Tout est mis en place pour aller en haut, mais sans jamais griller les étapes », explique Jean-Jacques Rocchi. Après trois entraîneurs différents lors de la première année en National, le Fécé retrouve de la stabilité en recrutant Laurent Guyot. « Il nous a fait beaucoup de bien, reprend le joueur. Il a connu le haut niveau en tant que joueur puis en tant qu’entraîneur. C’est un vrai plus. Il incarne la stabilité après plusieurs changements de coachs. C’est l’homme qu’il fallait pour monter en Ligue 2. »

L’arrivée dans l’antichambre du football français marque la fin de l’aventure pour Stéphane Loison. L’amoureux du Fécé préfère partir en sachant qu’il ne pourrait plus s’investir à 100 % : « C’est un choix douloureux, mais il le fallait pour protéger le club. » Sébastien Faraglia, qui a connu la Division 2 en tant que joueur, devient alors président de la société et David Cerf de l’association. « Ce sont les gardiens de la culture du FC Annecy. Ce sont les deux vice-présidents que j’avais donc ils connaissent parfaitement les rouages du club et apportent leur expérience. Je n’ai eu aucun problème à laisser les clés du camion car je savais qu’ils allaient bonifier le travail. À l’ETG, il y a eu des problèmes d’égo, ici le plus important a toujours été l’institution. Les investisseurs sont également des historiques, ils connaissent notre ADN donc ils ont toujours su qu’ils ne prendraient pas le pouvoir », explique Stéphane Loison. Une passation de pouvoir qui fait écho à sa co-présidence avec Michel Rousseaux.

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Le travail de formation est toujours central pour le FC Annecy, mais les objectifs sont désormais bien trop grands pour ne se reposer que sur ça. Les derniers mercatos ont donc été extrêmement animés. Arrivé en 2018, Jean-Jacques Rocchi est le deuxième joueur le plus ancien de l’effectif avec Jonathan Goncalves, formé au club qui a connu la DHR. « Le travail de la cellule de recrutement est fait intelligemment dans le sens où ce sont des joueurs avec la mentalité adéquate qui sont arrivés. C’est l’état d’esprit qui prime sur la qualité et ça fait la force du groupe, analyse l’ailier gauche. Il y a de la fraîcheur. Moi le premier, j’ai 33 ans, mais je n’ai absolument pas d’expérience au haut niveau. On arrive à faire quelque chose car on tire tous dans le même sens. » Parmi les joueurs expérimentés, on retrouve notamment Vincent Pajot et Alexy Bosetti. « Vincent a connu le très haut niveau, ça nous fait un bien fou au quotidien. Il aurait pu trouver mieux, mais il a su avoir la bonne mentalité pour accepter d’aider un promu. Ça prouve que les joueurs qui arrivent ont certaines valeurs. »

RÉUSSITE SPORTIVE

En parallèle du parcours d’ores et déjà historique en Coupe de France, le FC Annecy se concentre sur la saison de Ligue 2. Actuellement dixième, le club haut-savoyard compte neuf points d’avance sur la zone rouge. Sous les ordres de Laurent Guyot, le Fécé est l’une des attractions tactiques du championnat. Depuis la reprise post-Coupe du monde, il est huitième du classement avec 16 points empochés en 10 rencontres, soit autant que lors de ses 15 premières cette saison. Avec 16 buts marqués depuis la reprise, c’est le deuxième meilleur total en Ligue 2 sur la période (derrière Sochaux, 18, et à égalité avec Bordeaux). Enfin, l’équipe a totalisé dix clean sheets cette saison.

« C’est nouveau pour nous, mais on s’y sent bien. On est à notre place donc on veut montrer qu’on peut faire plus », explique Jean-Jacques Rocchi. Avec les cadres du vestiaire, il regarde encore le National chaque vendredi : « On ne veut pas y retourner quand on voit les six descentes. Ça fait peur de voir la situation de Villefranche par exemple avec qui on a bataillé jusqu’à la dernière journée pour monter en Ligue 2. On n’a jamais voulu lâcher la place qu’on a aujourd’hui et on a fait le travail pour la garder. » Même son de cloche pour Laval, autre promu, actuellement quatorzième du championnat.

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« Si on m’avait dit qu’en février qu’Annecy serait dixième de Ligue 2 en jouerait en quart de finale de Coupe de France contre Marseille, j’aurai signé avec les pieds », rigole l’attaquant du Fécé. Jean-Jacques Rocchi et l’ensemble du club veulent garder les pieds sur terre tout en ne s’interdisant pas de rêver davantage. « C’est beau ce qu’on fait, c’est énorme ! Mais on n’est pas encore arrivé au bout de l’objectif donc on ne va crier victoire trop vite pour le maintien. Une fois qu’on sera maintenu, le reste sera du bonus, il faudra qu’on soit ambitieux pour terminer le plus haut possible. » L’avant-dernier budget de Ligue 2 se retrouve actuellement au-dessus de son but initial. Rien d’étonnant selon Stéphane Loison : « On ne pensait pas y arriver aussi vite, mais c’était planifié. »

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