Si un terme pouvait caractériser la carrière d’entraîneur de Pep Guardiola, ce serait celui de révolutionnaire. Sur la terre espagnole déjà fertile, il a démocratisé le jeu de position aux quatre coins du pays. En Allemagne et en Angleterre, la tâche s’annonçait plus rude tant les cultures semblaient antagonistes. Ses propres succès, mais aussi ceux de ses disciples permettent d’élargir ce mouvement de pensée.

« Je suis ravi de son succès et de ce qu’il fait à Burnley. » En conférence de presse, Pep Guardiola est plutôt du genre à brosser son adversaire dans le sens du poil. C’est parfois plus sincère qu’on ne le pense. Lorsqu’on l’interroge sur l’entraîneur du Burnley FC, ça l’est. L’entraîneur qui a posé ses valises dans le Lancashire, à une vingtaine de kilomètres du centre d’entraînement de Manchester City, s’appelle Vincent Kompany. Joueur de City pendant onze ans, dont trois sous les ordres du Catalan, il a depuis officié à Anderlecht et est en poste à Burnley depuis le début de saison.

KOMPANY, DÉJÀ TOUT D’UN GRAND

Ce samedi (18h45), il se rend à l’Etihad Stadium pour affronter son ancien club en quart de finale de FA Cup et pour un moment qui s’annonce évidemment particulier. « Il reviendra tôt au tard. Je pense que c’est son destin de devenir le manager de Manchester City. C’est déjà écrit donc ça va arriver », affirme Pep Guardiola à qui veut l’entendre. Capitaine historique des Citizens versions Émirats, on ne présente plus l’ancien défenseur central belge. Pourtant, ce match banal de coupe placé au milieu d’une saison où Manchester City persiste à lutter pour tous les titres possibles permet de mettre en lumière l’adversaire du jour. Ils ne s’appellent pas Erling Haaland, Kevin De Bruyne ou Jack Grealish, mais les joueurs des Clarets espèrent aussi soulever un trophée en fin de saison. Si l’obstacle des Skyblues parait élevé en FA Cup, les hommes de Vincent Kompany pourraient se concentrer sur le championnat. Pas la majestueuse Premier League, mais le modeste Championship. Celui où, malgré les champs de patate et les défenseurs survoltés, Burnley truste largement la première place avec 13 points d’avance sur Sheffield, deuxième.

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À Anderlecht, Vincent Kompany a d’abord été un étonnant entraîneur-joueur, en compagnie, notamment, de Simon Davies, ancien entraîneur des U21 de Manchester City,. En tant qu’entraîneur principal, il a ensuite animé son équipe comme il l’entendait, à base de possession la plupart du temps, mais aussi de verticalité quand il le fallait. S’il a connu Roberto Mancini, Manuel Pellegrini ou Pep Guardiola, c’est du dernier que le Belge semble avoir retenu le plus. Loin d’être dogmatique, il améliore les performances du Sporting au fur et à mesure des saisons : quatrième puis deux fois troisième avec une qualification européenne, une finale de coupe nationale et une pelletée de matchs attrayants. Son 4-2-3-1, qu’il a troqué pour un 4-4-2 lors de la dernière saison, a été l’une des attractions du football belge et est aujourd’hui celui de la deuxième division britannique. Les sorties de balle à trois défenseurs, les longues phases de possession, le pressing à la perte ou l’importance des latéraux à l’intérieur du jeu rappellent évidemment les préceptes de Pep Guardiola… tout comme la vulnérabilité sur les phases de transition adverse. Ingrédients différents, mais même recette en Angleterre.

Les départs de Ben Mee, Nick Pope ou James Tarkowski couplés à la relégation auraient pu freiner les ambitions de Vincent Kompany au moment de prendre les rênes de l’équipe – alors que le Borussia Mönchengladbach était également prêt à l’accueillir. Si Burnley est en tête de Championship aujourd’hui, c’est grâce un recrutement malicieux avec aucune recrue à plus de cinq millions et au jeu pratiqué par la suite. Avec la meilleure attaque (72 buts marqués, plus haut bilan des quatre divisions professionnelles du pays), la meilleure défense (29 encaissés), le meilleur bilan au classement de la possession (64 % en moyenne) et la première place de Championship, les Clarets sont bien partis pour revenir rapidement en Premier League.

UNE RÉVOLUTION À BURNLEY

De retour à Manchester le temps d’un match, le Belge pourra admirer une nouvelle fois la statue à son effigie sur le parvis de l’Etihad Stadium. Pas certain qu’il en ait une identique à Turf Moor, mais force est de constater que Vincent Kompany a dépoussiéré l’ensemble du Burnley FC. Réputé pour son kick and rush prôné par Sean Dyche, resté sur le banc durant dix saisons, le club a rarement été associé à un jeu de position avant la prise de fonction de l’ancien citizen. Manuel Benson, ancien joueur du Royal Antwerp, était l’ailier droit titulaire avant sa blessure à la cheville. Avec 10 buts toutes compétitions confondues cette saison, il est le deuxième meilleur marqueur de l’effectif derrière Nathan Tella et ses 19 réalisations. Il explique cette révolution au Nieuwsblad. « Je savais que dès que Vincent Kompany prendrait les manettes, l’ancien Burnley ferait partie du passé, et que le nouveau me conviendrait. Déjà à l’époque quand nous avions joué contre Anderlecht avec l’Antwerp, j’avais dit à mon agent : « Ce serait merveilleux de jouer un tel football. » »

(Source : Infogol)

À son arrivée, Vincent Kompany disait pourtant au Daily Mail ne pas vouloir faire table rase de l’identité du club et des dix dernières saisons de Sean Dyche : « C’est quelque chose que je veux protéger et ensuite ajouter les idées que j’ai sur le jeu. Nous pouvons changer de système, mais une culture n’est pas un système et c’est difficile à créer. » Ses idées offensives ont finalement pris rapidement le pas. Et cela loin des billards de Premier League, avec un effectif jeune et multiculturel. En phase de possession, son équipe est souvent disposée en 3-1-6, chose impensable par le passé. À titre de comparaison, lors de la saison 2017-2018 historique pour le club avec une septième place qualificative pour les tours préliminaires de Ligue Europa, les joueurs de Sean Dyche n’avaient marqué que 36 buts, soit la quatorzième attaque du championnat. De la même manière, les statistiques ci-dessus prouvent la différence entre les deux approches de jeu. Augmentation évidente du nombre de passes, mais surtout les courbes s’inversent considérablement entre les transmissions courtes et les longs dégagements. Turf Moor, triste en fin de saison dernière, se remplit de nouveau grâce au jeu. Même si, selon L’Équipe, certains fans nostalgiques s’époumonent encore en sollicitant leurs joueurs : « Get it forward ! » (« Joue devant ! »)

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Avant l’arrivée de Pep Guardiola au Bayern Munich et à Manchester City, les deux clubs n’étaient pas forcément habitués non plus à évoluer dans ce registre si particulier. Le journaliste allemand Tobias Escher expliquait, dans Herr Pep, ce qui avait changé après son départ du Bayern : « Avant Guardiola, personne ici n’avait entendu parler du jeu de position. Il n’a jamais fait partie de notre culture, contrairement à la Catalogne ou aux Pays-Bas […] Nous avons donc tardé à réaliser l’influence tactique considérable de Guardiola ». Celle-ci s’est caractérisée par l’émergence de nouveaux entraineurs allemands comme Thomas Tuchel, Julian Nagelsmann, Marco Rose ou encore André Schubert durant la deuxième partie des années 2010. Pour Kevin Hatchard, journaliste anglais spécialiste de Bundesliga, le constat est le même : « Grâce à Guardiola, les équipes ont commencé à vraiment se concentrer sur la tactique. Il a rendu la Bundesliga plus intéressante tactiquement. » Après Vincent Kompany, le Championship deviendra-t-il un tel laboratoire ?

LES ÉLÈVES À LA FÊTE

Depuis ses débuts d’entraîneurs en 2007, Pep Guardiola a incontestablement révolutionné le football. Plus de quinze ans après ses premières consignes données depuis le banc de touche, le Catalan voit ses disciples se multiplier à travers les pays. Son père spirituel, Johan Cruyff, avait appris énormément de Rinus Michels donc lui aussi voulait enseigner le maximum à ses joueurs. Pierre angulaire de la défense de Manchester City, Vincent Kompany fait évidemment partie de ceux-là. « Il m’a clairement donné l’envie d’entraîner. Il m’a beaucoup aidé à voir le jeu d’une manière différente. C’était comme être tous les jours à l’université. Il expliquait tout avec une telle clarté, et j’ai énormément appris de lui. Je ne suis en aucun cas Guardiola, mais je pense avoir été un bon élève », confiait avec humilité l’actuel entraîneur de Burnley au micro de la BBC.

(Source : Le Soir)

Si l’équipe en tête de Championship est coachée par un ancien joueur de Guardiola, c’est également le cas en Liga. Xavi a longtemps été considéré comme l’héritier rêvé. Avec le Barça, dont il a été le milieu phare sous les ordres de Pep Guardiola, il occupe la première place du championnat espagnol mais peine globalement à mettre en place un jeu de position aussi remarquable. Avant de prendre la tête du Bayer Leverkusen en octobre dernier, Xabi Alonso a évolué deux saisons dans le Bayern Munich du Catalan. Lui non plus ne tarit pas d’éloges à propos de son ancien entraîneur : « Pep a un talent inné pour comprendre le football et ensuite le transmettre à ses joueurs. Il aime avoir le ballon, être courageux et ça tu le sens. » Seulement neuvième de Bundesliga, son Bayer est toutefois qualifié pour les quarts de finale de Ligue Europa. Parmi les autres anciens joueurs de Pep Guardiola en poste, on recense Sylvinho (Albanie), Javier Mascherano (U20 Argentine), Rafa Marquez (Barça B), Mario Mandzukic (adjoint Croatie), Yaya Touré (adjoint Akhmat Grozny) et Tom Starke (gardien Bayern).

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En Premier League aussi le maître côtoie ses disciples. Parmi eux, deux de ses anciens adjoints lui tiennent sacrément tête cette saison. Mikel Arteta, qu’il a accompagné trois ans à Manchester City, est premier du championnat avec Arsenal. Après avoir essuyé bon nombre de critiques, il pourrait offrir à son club un titre que l’on promettait pourtant aux Skyblues. En troisième position se trouve le Manchester United d’Erik ten Hag. À lui, c’est plutôt l’enfer que l’on promettait. Empêtré dans un clash avec Cristiano Ronaldo, le Néerlandais – adjoint de Guardiola au Bayern – a réussi à rebâtir des infrastructures solides dans un club qui semblait tomber en ruines. Ces trois-là pourraient être rejoints rapidement par Vincent Kompany au sein de l’élite anglaise. Il a l’air fait du bois des grands entraîneurs et a été formé à bonne école.

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