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Déjà trente minute que le match a commencé. Le FC Barcelone n’est pas au mieux face à un adversaire qui pourrait être n’importe qui. Gijon comme Rome. Valladolid comme Madrid. Si le Barça joue en dent de scie c’est parce que son maestro n’a pas encore sorti son costume des grands soirs. Il faut dire qu’en ce début d’après-midi d’un samedi estival il est difficile de jouer. Difficile de respirer convenablement dans les travées du Camp Nou. Depuis une longue dizaine d’années, ce stade n’a d’yeux que pour le petit numéro 10. Pourtant il a connu des joueurs d’exception comme Maradona, Cruyff, Ronaldo ou Romario. Tant de talents différents mais aucun ne représentera d’avantage le club que lui. Ni les Espagnols Iniesta, Enrique ou Bakero ni même les Catalans Xavi, Puyol ou Guardiola. Son petit gabarit interpelle depuis ses débuts. Ses adversaires le ciblaient facilement mais sans le moindre succès défensifs. Intouchable.

Aujourd’hui encore il a été difficile de lui prendre le ballon sur ce début de match. Pourtant, il n’a pas encore brillé. Sa belle passe, à la huitième minute, pour l’un de ses coéquipiers aurait pu faire mouche si ce dernier n’avait pas été maladroit. Ces derniers temps il semble seul sur le terrain. Certains de ses amis de toujours sont encore là notamment Piqué, Busquets ou Suarez. Malgré leur baisse de rendement, il a toujours foi en eux. L’amitié passe avant les résultats selon lui. Le temps ne semble pas avoir d’impact sur ce petit homme pourtant tant touché par les événements tragiques de sa vie et de sa carrière. Entre problèmes de croissance et pression constantes, il n’a jamais eu de répit. Les cheveux longs et le menton imberbe ont laissé place à un dégradé et une barbe mal taillée. Les courses folles, elles, n’ont pas changé. Xavi, Iniesta ou Alves ne sont plus là pour l’épauler. Il doit donc porter les fardeaux de toute une institution sur ses propres épaules. A-t-il mérité cela ? Les dieux du football ne sont pas toujours cléments avec leurs anges. Maradona a dû quitter son Napoli suite à une affaire de dopage, Zidane a terminé sa carrière sur une exclusion et les exemples sont nombreux.

Comment se terminera sa carrière ? Elle semble si longue et pourtant si courte. Nous nous rappelons de ses premiers crochets malgré le temps passé. Les graines du sablier s’écoulent mais lui est toujours là. Je l’observe sur son aile droite en ce début d’après-midi. Il n’a pas beaucoup couru, comme à son habitude. Certains voulaient le revoir jouer sous Guardiola ou Bielsa mais ses efforts semblent trop infimes pour le jeu pratiqué par ses deux anciens entraîneurs. Celui par qui il est entraîné aujourd’hui ne lui sied peut être pas mais il ne semble pas affecté. En réalité si, chaque but encaisse lui fait baisser la tête, chaque défaite le met en rogne. Ce n’est pas un leader charismatique né donc il ne sera pas le premier à crier dans le vestiaire. Son leadership est technique. Quand depuis quelques années rien ne va dans son club de toujours, il est au dessus de la mêlée dans toutes les rencontres.

Aujourd’hui, il n’a pas encore impressionné mais son aura se fait ressentir jusque-là où je suis assis. Je me met donc à la place des cinq défenseurs adverses. Les trois milieux doivent également être alerte quand on connaît son appétence à venir chercher les ballons bas. Appétence ou simple nécessité quand personne n’est capable de les remonter pour lui ? Lui qui a toujours jouit d’équipe à son service. Même aujourd’hui lorsqu’on lit les journaux de mon pays son équipe est l’une des meilleures du monde. Qu’il joue en bleu et rouge ou en bleu et blanc. Oui cela aussi joue en sa défaveur. Il est argentin. Comme un certain Diego Armando Maradona. Lorsque celui qui a ramené la Coupe du Monde 1986 est adulé, celui qui a échoué quatre fois en finale internationale est critiqué. Maradona avait ce charisme sans pour autant être irréprochable. J’imagine l’aura qu’il devait dégager.

Pour le moment ce sont les défenseurs de l’équipe adverse qui doivent dégager le ballon en touche. Il n’avait pas pu contrôler convenablement le ballon qui arrivait fort. Début de match plutôt morne, je venais pour le voir car il n’y a plus que lui. Pendant que je pense à tout cela, les minutes s’égrènent, nous sommes bientôt à la mi-temps. Mon voisin se lève de son siège. Sûrement pour aller au toilette ou à la buvette. Les habitués sont blasés, pour ma part je reste assis même pendant la mi-temps. Quelques photos prises du stade et des joueurs qui s’échauffent durant la pause. Le petit génie, lui, est rentré au vestiaire en espérant voir ses coéquipiers revenir avec d’autres intentions. Il n’a rien eu à se mettre sous la dent si ce n’est une frappe cadrée hors de la surface et un coup-franc trop enlevé. Les joueurs pénètrent de nouveau sur la pelouse afin de lancer le festival offensif tant attendu par le stade. Mon voisin n’est toujours pas revenu malgré le coup de sifflet de l’arbitre. J’ai repensé à son premier match professionnel durant la mi-temps. Dans le derby barcelonais, en octobre 2004, il rentre à la place de Deco, unique buteur de la rencontre, à dix minutes du terme. Il enchaîne les entrées avec les pros jusqu’au 1er mai 2005 où il marque son premier but face à Albacete. La jeune puce argentine devient à même pas 17 ans le plus jeune buteur de l’histoire du FC Barcelone. Depuis, de nombreuses réalisations se sont ajoutés mais aujourd’hui il peine à trouver le chemin des filets. Il faut dire qu’il n’y a plus Ronaldinho, comme face à Albicete, pour le servir. Il vient d’ailleurs prendre un ballon dans le rond central puisque le milieu de terrain du Barça est inexistant aujourd’hui.

« Combien-combien ? » me demande mon voisin revenu avec cinq minutes de retard. « Toujours pas de but vous n’avez rien loupé, si ce n’est une frappe adverse bien captée ». Au moment où le socio me remerci, le petit génie vient à quelques mètres de nous afin de tirer le premier corner de ce second acte. Bien tiré mais repoussé par la défense. Décidément, il est loin le temps où son ami Piqué était le roi dans la surface de réparation. Malgré ce coup de pied arrêté non concluant, le stade scande son nom. C’est déjà la deuxième fois durant ce match pourtant peu enthousiasmant. Je me prend au jeu et entonne le chant avec eux pendant que mon voisin bouge ses lèvres, rappelant le conditionnement théorisé par Ivan Pavlov, tout en scrutant les dernières infos sur les transferts du club. Il se dit heureux de l’arrivée imminente de cet ailier rapide de Premier League et du défenseur rugueux de Ligue 1. Rinus Michels ou Johan Cruyff ne s’en seraient pas réjouis mais mon voisin est socio du club donc il ne se soucie pas que du jeu mais aussi du financier. Il ne se soucie nullement du jeu en réalité car collé à son smartphone. L’habitude des matchs qui se succèdent durant l’année sûrement. Pour ma part, je profite pleinement car je ne viens pas au stade tous les jours. Ce n’est pas la première fois que je viens au Camp Nou. A chacune de mes venues, il a marqué. Et pas de simples buts sans intérêt ou sans esthétisme. Face à Getafe en 2007, il élimine toute l’équipe adverse. Contre Malaga, deux ans plus tard, il part de la ligne de touche pour se jouer des défenseurs centraux et enlever la toile d’araignée de la lucarne. J’étais également présent lors de ses cinq buts face au Bayer Leverkusen en 2012. Peu de matchs en comparaison à mon voisin mais tellement de souvenirs.

Le scénario du match d’aujourd’hui me déçoit un peu mais, à froid, je trouverai de bons moments à tirer. C’est au moment où je me remémore les souvenirs de son quintuplé qu’il reçoit le ballon sur la ligne médiane côté droit. Son contrôle orienté est si bon qu’il lui permet d’éliminer deux joueurs. Il flirte avec la ligne de touche tel un équilibriste. Nous sommes aux premières loges de son départ instantané. D’arrêté, il devient une balle perforant le bloc en un infime instant. Les défenseurs adverses semblent se démultiplier afin de stopper sa course. Ils se sont entrainés pour cet instant toute la semaine mais malgré cela l’incompréhension se mêle à la panique. Il a déjà réalisé cette action des centaines de fois pourtant elle est différente de toutes les autres. Deux secondes se sont écoulées depuis son contrôle, il repique désormais au centre. L’heure de jeu vient de passer et le ballon est toujours dans ses pieds. Déjà cinq secondes et trois adversaires effacés avant de rentrer dans les vingt-cinq derniers mètres où il crochète un nouveau défenseur avec l’élégance d’un danseur de ballet. Le ballon passe du pied droit au pied gauche comme par magie. Il le tutoie, le cajole, la relation entre les deux entités est emplie de sentiments. Les adversaires ne peuvent rien faire, j’aperçois même l’entraineur soupirer au bord de sa zone technique. Il aimerait rentrer sur le terrain afin d’aider ses joueurs qui en auraient bien besoin. La septième seconde semble être une éternité alors qu’il rentre dans la surface d’un nouveau crochet intérieur. Positionné sur la droite de cette surface, il décide de frapper. Le gardien ne peut rien faire. L’enroulée termine dans le petit filet opposé à mi-hauteur. Il n’a même pas plongé, le dernier défenseur n’a même pas taclé tandis que l’entraineur n’a même pas crié. Le stade, lui, s’est levé comme un seul homme. C’est un seul homme qui a fait lever des dizaines de milliers d’autres qui commençaient à s’ennuyer.

Il avait tout vu et a tout fait avant tout le monde. Sept secondes ont suffit pour nous rappeler qui il était. Seul comme un papillon dans la nuit. Léger comme une plume défiant la gravité. L’inventivité d’un peintre derrière sa toile. La classe d’un maestro devant son orchestre. Il incarne mieux que personne le club qu’il soutient à bout de bras depuis des années. Le maillot bleu rouge lui va à merveille. Impossible de l’imaginer porter un autre. Je n’ai pas cité son nom une seule fois durant le récit de ce match imaginaire mais vous l’aviez compris, le petit génie n’est autre que Lionel Messi. Un match qui n’a jamais eu lieu mais qui ressemble à tellement d’autres. Un FC Barcelone en difficulté qui se repose sur le talent de son numéro 10. Le récit s’arrêtant à l’heure jeu, il est désormais libre à vous de vous imaginer la fin du match ainsi que la fin de l’histoire entre Lionel Messi et le Barça. Marquera-t-il un nouveau but sensationnel ? Partira, partira pas ? Tant de questions auxquelles vous pourriez répondre avec un peu d’imagination. Car, en cette période où tous les coups bas sont permis en Catalogne, les rêves sont les seuls échappatoires. Messi nous en a vendu à foison, à nous de le lui rendre.

4 réponses à « Histoire d’un match »

  1. Magnifique récit vraiment 👏🏽👏🏽Bravo

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  2. Belle romance 👍👍👍

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