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Ce dimanche, à 14h, se déroule une confrontation qui semble relativement singulière pour ne pas dire inintéressante. L’Athletic Bilbao, actuel huitième, se déplace vers le Celta Vigo, qui figure à la neuvième position. Ce sera surtout la première confrontation entre deux des entraineurs les plus intéressants de la Liga. A l’heure où le football mondial ennuie, le championnat espagnol n’apporte pas la touche d’enthousiasme qu’on lui colle souvent à la peau. Pourtant, Eduardo Coudet et Marcelino sont respectivement arrivés à Vigo et Bilbao avec des intentions claires. Les deux équipes sont donc synonymes d’espoir pour le football ibérique.

Grâce à ses grosses écuries, le championnat espagnol a longtemps régné sur le Vieux Continent. Les nombreuses victoires du Real Madrid en Ligue des Champions et celles du FC Séville à l’échelon inférieur ont montré la puissance de la Liga. Il y a dix ans, Pep Guardiola a révolutionné le football espagnol et mondial par le jeu. Par la complicité tactique des Blaugrana sont également venus des titres de la Roja entre 2008 et 2012. En plus du Catalan, la Liga comptait sur ses bancs des techniciens comme Mourinho, Simeone, Bielsa, Pellegrini, Pochettino ou encore Emery. Les combats idéologiques ont poussé le championnat vers le haut en matière tactique. Le laboratoire est cependant devenu une usine – à clones – ou le rendement apparait comme seule finalité. Malgré tous les défauts que l’on peut trouver au Real de Mourinho ou, surtout, à l’Atletico de Simeone, les tacticiens ont apporté une plus-value au football espagnol. A la manière de Carlos Bilardo en Argentine.

UNE LIGA MOROSE

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(Source : besoccer.com)

C’est néanmoins sous l’impulsion du Cholo que la Liga a entrepris un virage dangereux. Souvent rattaché au jeu enthousiasmant, le football espagnol n’a, aujourd’hui, plus rien de particulier. Les maux que l’on colle au football français semblent de plus en plus se reproduire de l’autre côté des Pyrénées : jeu ennuyeux, peu d’idées et aucune novatrice, corporatisme… L’Atletico a son style de jeu précis depuis que l’Argentin est sur son banc et c’est relativement difficile de leur reprocher tant que le travail est correctement réalisé. On peut évidemment ne pas s’en satisfaire mais c’est un autre débat. Les matelassiers sont, en tout cas, bien plus cohérents que les deux autres cadors nationaux, le Real et le Barça. Malgré ses bons résultats en Europe, Zinédine Zidane n’est pas réputé pour avoir la science tactique de Guardiola ou Mourinho. En perpétuelle crise, le FC Barcelone a enchainé Ernesto Valverde, Quique Setién et Ronald Koeman. Les deux premiers avaient relativement séduit la Liga avec l’Athletic Bilbao et le Real Betis avant de totalement se louper lors de leurs aventures catalanes. Koeman semble être celui qui fera de nouveau frissonner le Camp Nou par le jeu.

C’est donc sans idées que les gros arrivent face aux petits qui, eux, évoluent principalement en bloc bas et avec des lignes plus que resserrées. Le Getafe CF de José Bordalas a « impressionné » les suiveurs de football espagnol grâce à cette vision. Cadiz fait figure de surprise cette saison grâce notamment à leurs victoires face au Real et au Barça. Deux résultats acquis avec des principes très sommaires que certains qualifieront de pragmatiques quand d’autres préféreront parler de morosité. Entre grandes équipes sans idées face à des petites peu courageuses, les matchs donnent lieu à 90 minutes bien ennuyeuses. Elias Baillif écrit sur Eurosport : « Les rencontres ressemblent à des oppositions entre une mauvaise version de Guardiola et une version réductrice de Simeone ».

L’Athletic Bilbao et le Celta Vigo ont des identités différentes mais ont souvent fait partie des équipes intéressantes à suivre du côté de l’Espagne. Lors de la dernière décennie, les Basques ont notamment eu le plaisir d’accueillir Marcelo Bielsa et de voir Ernesto Valverde réussir à implanter un jeu aussi réactif que divertissant. Moins historique, le Celta peut tout de même se targuer d’avoir inquiété quelques gros clubs espagnols et européens notamment en accédant aux demi-finales d’Europa League 2017. Ces relatifs succès se sont fait par le jeu sous les ordres d’Eduardo Berizzo. Malgré cet attachement au protagonisme, les deux clubs s’étaient enlisés aux bas fonds du classement à cause de mauvais choix de planification sportive. La morosité de la Liga était représentée par le Bilbao de Gaizka Garitano et le Vigo d’Oscar Garcia.

EDUARDO COUDET, PLUS QU’UN POMPIER DE SERVICE

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(Source : telam.com.ar)

Le premier avait réalisé un début de saison catastrophique et indigne d’un club de l’ampleur de l’Athletic avant de se reprendre en fin d’année 2020. Pas suffisant pour les dirigeants qui décidèrent de s’en séparer et d’appeler Marcelino à la rescousse. Du côté de la Galice, le départ est encore pire avec seulement sept points en dix rencontres. Si bien qu’Oscar Garcia, ancien entraineur de l’AS Saint-Etienne, se voit limoger dès novembre. Il est remplacé par Eduardo ‘El chacho’ Coudet. L’Argentin arrive le statut d’un des techniciens les plus prometteurs d’Amérique du Sud. Il impressionne depuis ses débuts à la tête de Rosario Central et a continué de prouver en menant le Racing vers le titre national. De la même façon, lorsqu’il quitte le SC Internacional pour rejoindre le Celta, le club brésilien est premier de son championnat. C’est donc avec une grande audace qu’il rejoint une équipe qui se place alors à la dix-septième position de Liga.

Un courage qui se caractérise dans le jeu produit. Celui-ci va d’ailleurs rapidement porter ses fruits puisqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, le Celta Vigo est neuvième du championnat. En dix-neuf rencontres, Eduardo Coudet a su relever la barre, et de quelle manière. Moins d’un mois après son arrivée, il bat Cadiz sur un score sans appel (4-0). La première défaite de son mandat arrive face au Real Madrid le 2 janvier dernier. Ce mois est d’ailleurs complètement loupé avec aucune victoire en six matchs toutes compétitions confondues. Alors qu’on pense que Coudet n’a apporté qu’un électrochoc en se basant uniquement sur son énergie, le Celta se rattrape en février. Le regain de forme s’illustre avant tout dans le jeu et la victoire 3-4 à Huesca le week-end dernier peut en témoigner. Cette rencontre, comme celle face à Cadiz, sont les parfaits exemples du travail impressionnant du Chacho.

Nicolas de la Rua, pour Lucarne Opposée, comparait Coudet à Simeone par rapport à son activité en bord de touche tout en le différenciant grandement au niveau du contenu de son équipe. C’est grâce à un jeu proactif capable de varier du football de possession à des transitions rapides que le Celta revit. Ses joueurs revivent également. Coudet n’a pas révolutionné le onze de départ d’Oscar Garcia mais il permet à Iago Aspas, Fran Beltran, Renato Tapia ou encore Nolito de pouvoir exprimer entièrement leurs belles capacités. L’évocation de ces quelques noms montre que l’effectif de Vigo est largement à la hauteur de cette Liga mais qu’il était plus que mal utilisé par Garcia. Nolito, d’ailleurs, dit à propos de Coudet :  » Depuis son arrivée, il semble que des choses se passent bien, nous avons plus confiance […] Nous aimons l’entraineur parce qu’il nous confronte, il dit des choses, quelque chose dont nous avions besoin. Nous devons nous entrainer dur et nous confronter à l’entrainement, c’est ce qui nous permettra d’être compétitif lors des matchs ». Des confrontations qui permettent au club de remonter au classement et aux joueurs de reprendre du plaisir.

« TENER HUEVOS » ET PROTAGONISME

Nous disions précédemment que le Celta Vigo, sous Eduardo Berizzo, avait pratiqué un football enthousiasmant. La déclaration du directeur sportif du club, Felipe Minambres coupe avec cette culture : « En Liga, on attend davantage les erreurs de l’adversaire que l’on fait de choses pour gagner ». Une prise de parole qui fait écho au virage dans lequel se trouve le championnat espagnol et dont le Celta avait était empêtré avec Oscar Garcia. L’arrivée d’Eduardo Coudet est une nouvelle preuve -s’il en fallait une- que le jeu proactif n’est pas contraire à la victoire. En bon Argentin, el Chacho estime que pour bien jouer au football il faut… « tener huevos » (« tener cojones » est également possible. Loin de la traduction que pourraient faire Pascal Dupraz et ses disciples, Coudet utilise les confirmations décrites par Nolito pour mener un jeu protagoniste. Elles ne servent pas à mettre des coups vicieux mais à avoir le courage pour demander le ballon dans des zones chaudes ou pour réaliser la passe dans le plus petit espace.

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Comme avec ses anciennes équipes, et notamment Rosario car plus faible que le Racing ou l’Internacional, Coudet sait alterner les schémas de jeu. Les victoires face à Cadiz ou Huesca montrent ses qualités dans un jeu de possession tandis que celles contre Bilbao ou Alavés (2-0 à chaque fois) sont acquises grâce à des transitions aussi rapides qu’efficaces lors de la récupération de balle. Le premier but face à l’Athletic illustre bien cette capacité à se projeter après un pressing collectif.

Le schéma tactique est relativement hybride selon comment Coudet aborde le match. C’est en tout cas un 4-4-2 où le double pivot Tapia-Suarez laisse une grande liberté au second en phase offensive formant presque un 4-1-3-2. Les latéraux sont très mouvants mais se doivent de rester dans leur couloir respectif hormis dans le dernier tiers où ils peuvent rentrer librement dans l’axe. Ces latéraux peuvent également être utilisés en tant que pistons lorsque Coudet décide de passer à trois derrière notamment sur les phases de relance ou Tapia vient se greffer aux deux centraux. « El Chacho » est constamment à la recherche de la supériorité numérique sur le terrain. Ainsi, son système est plus que modulable suivant si son adversaire défend à trois, attaque à deux, a un faible milieu de terrain… Son autre principale quête est le but adverse et si possible y arriver de la manière la plus rapide possible.

MARCELINO, LE CHAÎNON MANQUANT

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(Source : eurosport.fr)

A l’instar du Celta Vigo d’Oscar Garcia, l’Athletic Bilbao de Gaizka Garitano n’avait pas de bons résultats en Liga en plus de ne pas enchanter les foules. C’est d’ailleurs ce qui lui a coûté sa place sur le banc après un léger regain de forme fin 2020. Son successeur est davantage connu qu’Eduardo Coudet en Espagne. Marcelino Garcia Toral entraine depuis la fin des années 90 et a toujours officié dans son pays natal. Ses principaux faits d’armes avant sa véritable médiatisation sont d’avoir fait monter le Recreativo de Huelva en Liga en 2006, de réaliser le même exploit avec le Real Saragosse deux ans plus tard ou encore d’avoir fait participer le Racing de Santader à la C3. Une fois cette notoriété fondée au sein de clubs modestes, les principaux poids moyens du championnat se sont manifestés. Il a ainsi entrainé au FC Séville, à Villareal, à Valence et maintenant du côté de Bilbao. Si la première expérience est loupée, la seconde connaitra un franc succès avec une nouvelle promotion en Liga suivie d’une qualification pour les tours préliminaires de Ligue des Champions. Il ne disputera cependant pas la confrontation face à l’AS Monaco car il est limogé suite à de mauvaises relations avec ses dirigeants.

Il arrive à Valence avec cette belle réputation et après des entraineurs aux résultats peu convaincants. C’est à Mestalla que son 4-4-2 à plat va être le plus abouti. Les préceptes de ce schéma sont assez simples mais Marcelino arrive à donner un rendu dynamique à ce cadre rigide. L’équipe défend et attaque comme un seul homme. L’unité est à la base de tout. Alors qu’il pouvait compter sur Dani Parejo sur la côte méditerranéenne, il s’appuie sur Iker Muniain dans le Pays Basque. Le milieu offensif, replacé à gauche, renait de ses cendres depuis l’arrivée de Marcelino retrouvant presque son niveau de la saison 2011/12 sous les ordres de Marcelo Bielsa. C’est en réalité l’ensemble de l’effectif qui possède un nouveau souffle depuis janvier dernier. Dès son arrivée, Marcelino remporte la Supercopa en battant successivement le Real Madrid (2-1) et le Barça (3-2 a.p). Un coup d’éclat qui n’en était pas un comme en témoigne la nouvelle qualification en finale de Coupe du Roi. Celle-ci se déroulera le 17 avril prochain face à des Catalans revanchards.

En dix rencontres de Liga depuis le licenciement de Garitano, l’Athletic n’a perdu que trois matchs et c’était contre le FC Barcelone (deux fois) et l’Atletico Madrid. Pas la même remontée que Coudet puisque lorsque Marcelino arrive Bilbao est neuvième. Néanmoins, le technicien fait déjà l’unanimité du côté de San Mamés ce qui lui fait dire : « Je ne pensais pas qu’on aurait un tel rendement aussi vite. On retrouve en match des combinaisons travaillées à l’entraînement, tous les joueurs mettent une grosse intensité et s’entraînent vraiment comme des lions ». A l’instar d’Iker Muniain ou de Raul Garcia, Inaki Williams retrouve son réel niveau sous ses ordres. L’attaquant explique ce que le départ de Garitano pour l’arrivée de Marcelino a changé : « Leurs deux conceptions du football sont totalement différentes. Les choses que nous avons vues avec Garitano vont nous servir, il a fait un travail spectaculaire sur la défense, nous sommes devenus solides. Marcelino va nous apporter beaucoup. Nous sommes comme des éponges, nous essayons d’enregistrer ses idées le plus vite possible et de les traduire sur le terrain ». C’est grâce à cette conviction que les résultats ont radicalement changé.

LE MEILLEUR TACTICIEN DU PAYS ?

(Source : lavuetactique.wordpress.com)

(Source : lavuetactique.wordpress.com)

A chaque départ d’entraineur en Liga, le nom de Marcelino est annoncé dans tous les médias pour reprendre le poste. Plus qu’un bon agent, c’est son sens tactique qui lui permet d’accéder à de très beaux bancs. Encore jamais courtisé par le Real, le Barça ou l’Atletico, il ne semble pas largement moins bon tacticien que les entraineurs actuels que sont Zidane, Koeman et Simeone. Il est en tout cas l’Espagnol le plus réputé de Liga et sûrement le deuxième derrière l’incontournable Pep Guardiola. Il y a évidemment des hommes comme Luis Enrique, Julen Lopetegui ou Unai Emery, tant est que Marcelino est loin de faire tâche à côté d’eux. Il semble surtout ne pas s’inscrire dans la lignée des entraineurs moroses présentés en début de papier. Certes son jeu est basé sur le travail défensif et la réactivité mais il arrive à le rendre divertissant.

Son 4-4-2 fonctionne grâce à des automatismes travaillés à longueur d’année. Les phases sans ballon sont marquées d’une rigueur quasi militaire, les prises à trois sur le porteur de ballon sont systématiques et ne laissent ainsi aucun espoir à l’adversaire. La seule chance est de réaliser une passe décisive, donc une possibilité de récupération. S’en suivent des phases de transition où le placement de Muniain en tant qu’ailier est plus qu’intéressant. Moins rapide que Guedes lors de la dernière saison de Marcelino à Valence mais bien meilleur tactiquement et capable de combiner parfaitement avec Garcia dans le demi-espace gauche. L’apport de Yuri Berchiche est également très important sur ce flanc. Alors qu’on parlait de la relative culture offensive du Celta Vigo, la philosophie de jeu de l’Athletic Bilbao colle également bien à son nouvel entraineur. Le strict et colérique Marcelino se fond parfaitement dans le mythique club basque.

Celta Vigo-Athletic Bilbao va donner lieu a une bataille tactique plus qu’intéressante. Dans un championnat devenu bien trop ennuyeux, ces deux équipes semblent apporter un véritable vent de fraicheur. Cela grâce à leurs entraineurs respectifs, Eduardo Coudet et Marcelino. Le nouveau pionnier du ballon rond argentin et l’un des meilleurs tacticiens espagnols apportent une pluralité si importante au jeu de la Liga. Deux styles différents pour un objectif commun : redonner ses lettres de noblesse au football ibérique.

Une réponse à « Celta Vigo-Athletic Bilbao : la renaissance de la Liga passera par eux »

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