A tout juste 33 ans, Julian Nagelsmann vient d’être nommé nouvel entraîneur du Bayern München. Il succédera à Hansi Flick qui vient de réaliser un sextuplé historique avec le club bavarois mais qui, tenté par le poste de sélectionneur national, en plus d’être en désaccord avec le directeur sportif Hasan Salihamidzic, ne poursuivra pas l’aventure en Bavière. Ce jeune trentenaire n’a en fait pas été nommé mais acheté par le Bayern car Nagelsmann était sous contrat jusqu’en 2023 avec Leipzig. C’est d’ailleurs avec Leipzig qu’il devint le 19 septembre 2018 le plus jeune entraineur à disputer la Champions League et plus tard le plus jeune à aller jusqu’en demi-finale de cette compétition. Mais Nagelsmann n’est pas un génie, il ne sort pas de nulle part et sa réussite est explicable, voire presque logique.

Partout en Europe l’entraineur allemand a la côte. Cette nouvelle vague « d’entraineurs laptop » (appellation dépréciative, qui fait passer l’entraineur pour un simple analyste qui oublierait l’aspect humain et relationnel du foot) est aujourd’hui incarnée par le néo-munichois Nagelsmann mais fut lancée par le fribourgeois Joachim Löw. « Löw« , qui signifie lion dans la langue de Goethe, s’est assis sur le trône de la Nationalmannschaft en 2006 en suppléant Jürgen Klinsmann dans son rôle de sélectionneur national et a mené l’Allemagne sur le toit du monde en 2014 au stade Maracana de Rio de Janeiro. Bien qu’il soit désormais officiel qu’il quittera la sélection après l’Euro cet été, ce dernier a marqué le football allemand pendant plus de 15 ans plus encore par son football collectif et offensif que par la régularité de ses résultats (5 derniers carrés et 2 finales lors des 6 compétitions disputées). Pourtant Löw ne brille pas par son passé de joueur, lui le joueur de seconde division qui n’a qu’une cinquantaine de match joués dans l’élite allemande.

C’est peut-être la caractéristique la plus marquante de la New Wave des coachs allemands ; ils n’ont pas forcément brillé par leur passé de joueur et cela leur donne un point de vue différent sur le foot. Un foot qu’ils ont plus étudié que joué. Jürgen Klopp fit aussi carrière en seconde division au FSV Mainz 05 et n’a jamais connu la Bundesliga en tant que joueur. Thomas Tuchel met un terme à sa carrière de joueur à 25 ans à la suite d’une blessure au genou. Marco Rose, le futur entraineur du BVB Dortmund, a certes une belle carrière de joueur en Bundesliga à Mainz lui aussi, mais ne compte aucune sélection en Nationalmannschaft et seulement 2 matchs en compétition européenne. Et évidemment l’exemple le plus parlant est celui de Nagelsmann qui n’a jamais joué de match professionnel et qui a arrêté sa carrière de joueur à 20 ans. Mais il s’agit de se demander pourquoi la Deutsche Qualität n’a jamais autant rayonné ? Pourquoi quatre des huit clubs qualifiés pour les derniers quarts de finale de Champions League étaient entrainés par des coachs allemands ? Pourquoi, à seulement 33 ans, Nagelsmann devient le nouvel entraineur des champions d’Europe en titre ? En somme, pourquoi les coachs allemands sont les Supernovae du foot européen ?

LA FRANCE, LE CONTRE-EXEMPLE

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(Source : L’Equipe.fr)

Plus à l’Ouest, en France, les choses ne se passent pas si bien. De fait, les entraineurs de l’Hexagone mettent en lumière ceux d’outre-Rhin, tant ils sont différents, voire même opposés. Chaque championnat européen, ou presque, a sa propre manière tactique de jouer au football, ces tendances doivent être nuancées car elles sont souvent perturbées par l’arrivée d’un entraineur ou par l’émergence d’une équipe qui peut redéfinir ce style. Cependant dans ces championnats le dogme persiste : l’Italie a son Catenaccio ; l’Angleterre est caractérisée par le Kick and Rush ; l’Espagne c’est le culte de la technique et des ressorties de balle propres ; la Bundesliga est devenue le championnat offensif par excellence (sur les 15 dernières années seulement 6,7% des rencontres de Bundesliga se sont terminées sur un 0-0, plus faible total du Top 5 européen). Mais quid de la France ? Ses entraineurs répondent à cette question à chaque interview, à chaque conférence de presse, à chaque déclaration. En ne parlant jamais de tactique, ils expulsent le jeu hors du débat. Merlau-Ponty écrit dans Signes en 1960 : « Pensée et parole s’escomptent l’une l’autre. Elles se substituent continuellement l’une à l’autre. Elles sont relais, stimulus l’une pour l’autre ». Les penseurs du foot mettent des mots sur des phénomènes, ces mots seront par la suite utilisés pour affirmer ou infirmer une pensée, c’est un cercle vertueux. Un tel cercle vertueux est impossible en France puisque les entraîneurs français des bancs de Ligue 1 ne pensent pas. La langue de bois n’est alors pas une manifestation de l’hypocrisie mais bien la conséquence d’une incapacité caractérisée à parler de jeu.

Cette incapacité à parler jeu s’est une nouvelle fois démontrée lorsque le 12 avril 2021 le nouveau président de L’OM Pablo Longoria déclara dans le média espagnol El Pais : « En France, il n’y a pas de modèle de jeu français ». Le club des entraineurs français sans idées s’est révolté et a contesté la déclaration de Longoria mais sans pour autant décrire un modèle français du jeu. Non, on préfère prendre l’exemple du succès continental de Zidane, lui qui n’a jamais entrainé en France, pour contredire la thèse de l’inexistence d’un modèle de jeu en Ligue 1. Mais encore une fois ces entraineurs ne sont pas hypocrites mais tout simplement incapables de parler du modèle français du jeu, même si celui-ci existait. À noter tout de même, Christophe Galtier, entraineur du LOSC, un des seuls à se démarquer et bizarrement un des seuls français à réussir sur les dernières années. Il déclara dans le numéro de So Foot du mois de décembre 2020 : « Mes seules préoccupations, c’est : comment organiser ma sortie de balle? Comment contrer tel système? Comment contourner tel pressing ou tel bloc? Toute ma journée tourne autour de ça et des questions de management ». Pour la deuxième saison consécutive il terminera sans doute devant l’OL de Rudi Garcia, adepte du « qu’importe le système, ce qui compte c’est l’animation » sans pour autant jamais expliquer l’animation, alors même que le budget de Lille est deux fois inférieur à celui de Lyon.

Certes les entraineurs français ne sont pas des penseurs, mais il ne sont pas aidés par ceux qui les représentent ni par ceux qui les forment. Ils sont représentés par Raymond Domenech, qui est à la tête de l’UNECATEF, Union Nationale des Entraineurs et Cadres Techniques du Football Français, depuis 2016. Domenech, sûrement la personne la plus détestable du football français, était définie par Eric Cantona comme « l’entraineur le plus nul du football français depuis Louis XVI ». Son manque de respect du travail des entraineurs étrangers, sa vision du jeu obsolète datant d’avant même Louis XVI et ses résultats catastrophiques à Nantes tendent à confirmer l’aphorisme de Cantona. Et dire que certains ne veulent pas qu’il intègre le Hall Of Fame de la Premier League… Le Directeur Technique National est Hubert Fournier depuis 2017. Il est censé définir une politique technique et tactique pour l’ensemble du football et on peut reconnaitre qu’il fait son travail mieux que personne car en France personne ne propose rien, tous les entraineurs français sont interchangeables, Fournier contribue à l’homogénéité du football français. Et les seuls qui proposent réellement du jeu ont finalement fait le travail du DTN, en prenant le point de vue d’un supporteur qui déplore la pauvreté du jeu de son équipe pour Galtier lorsqu’il était à Saint-Etienne ou en s’inspirant de ce qui se fait à l’étranger (Brighton, Sassuolo…) pour Olivier Dall’Oglio. Le DTN ne devrait-il pas offrir ne serait-ce qu’une esquisse de projet de jeu, que les entraineurs pourraient utiliser, développer et finalement s’affranchir plutôt que de laisser le football français croupir dans une homogénéité médiocre.

Dans son interview faite à So Foot au mois de décembre Galtier n’oubliait pas que l’entraineur était aussi un manager, soucieux de la relation qu’il a avec ses joueurs et soucieux de comment vit son groupe. Il en va de même pour Nagelsmann qui considère que seulement 30% de son métier est voué à la tactique pure, il consacre le reste du temps à créer une vraie osmose entre les joueurs. Les entraineurs français sont aussi défaillants dans ce domaine car ils ne font pas tous l’effort de faire du cas par cas avec leurs joueurs, certains ont tendance à manager comme avant-guerre, alors que le joueur de foot du XXIème siècle s’est embourgeoisé et a pris le pouvoir dans le club. C’est l’entraineur qui saute lors de mauvais résultats et non les joueurs. L’exemple le plus récent est celui de Claude Puel qui n’arrive plus à faire passer son message aux jeunes talents de l’ASSE et cela met en évidence un autre vice de l’entraineur français, son incapacité à évoluer. Mais pourquoi se remettre en question quand on est assuré de retrouver un poste, car en France on refuse de faire confiance aux jeunes entraineurs prometteurs, ceux qui n’ont pas forcément été joueurs ? Le message a tendance à mal passer aussi car la France est historiquement connue pour être défaillante dans l’apprentissage des langues étrangères et particulièrement dans les langues saxonnes. C’est regrettable que ni Génésio, ni Garcia n’aient jamais pu échanger en anglais avec Memphis car à plus de 50 ans chacun ils étaient incapables de parler anglais alors qu’ils occupent un poste, qui par essence, se veut transnational. L’inaptitude des coachs français met en valeur les qualités de leurs confrères d’Outre-Rhin. Les entraineurs allemands sont des penseurs, qui profitent du fait que le football allemand ait une identité, en plus d’exceller dans le relationnel avec les joueurs.

TELLEMENT PLUS QUE DES TACTICIENS

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L’Allemagne par sa culture encourage l’apprentissage des langues étrangères et partout, dans toutes les classes de la société on parle l’Anglais, aussi car ces deux langues ont la même racine. Il est difficile de statistiquement quantifier l’apport de l’anglais mais les exemples sont nombreux, l’explosion d’Angeliño lorsqu’il arrive en prêt depuis City à Leipzig est évidemment facilitée par l’aptitude qu’a Nagelsmann à parler la langue de Shakespeare. On dit le langage du football universel, mais l’est-il vraiment? Est-il aussi universel que les mathématiques? Non, car les vérités du foot sont perpétuellement appropriées par les entraîneurs et la langue est dans ce cas un moyen d’expression de leur vision du foot. Certes on dira qu’on peut toujours faire appel à des interprètes mais comme le nom l’indique ils ne font qu’interpréter ce qu’ils entendent. A-t-on saisi l’entièreté des idées d’un réalisateur ou d’un dialoguiste en visionnant la VF d’un film ? L’Europe du foot ne serait-elle pas plus belle si Bielsa parlait anglais? D’ailleurs Bielsa prétend que « l’un des plus gros outils dont dispose un coach est sa capacité à transmettre son message à travers ses mots », et l’entraîneur de l’emballante équipe de Leeds regrette d’ailleurs cette constante barrière qui existe avec ses joueurs anglophones. La maitrise de plusieurs langues a aussi été un facteur clef dans la reprise en main de Chelsea par T.Tuchel car 10 des 25 joueurs de l’effectif parlent soit français soit allemand et l’entraineur parle lui-même parfaitement anglais. Il est plus facile d’organiser une assise défensive lorsqu’on est capable de parler dans sa langue maternelle à Rüdiger, Zouma ou Kanté.

Ces « entraineurs laptop » ont effectivement cette réputation d’être des monstres de tactique, particulièrement Tuchel et Nagelsamnn, et de fait c’est une réputation qu’ils n’ont pas volée puisque la tactique est au coeur de leur vision du foot. Mais Nagelsmann n’est pas un robot, il est très sensible, très emphatique et c’est cette humanité qui lui permet de tisser des liens forts avec ses joueurs et alors de les faire progresser individuellement. Il ne tombe pas dans le piège de déshumaniser le football et de le voir comme un gigantesque échiquier. L’exemple le plus saisissant est sans aucun doute l’évolution du jeune francilien Christopher Nkunku, dont la valeur a quadruplé sur Transfermarkt depuis qu’il est à Leipzig. Nkunku semble désormais capable de jouer à tous les postes offensifs, son intelligence tactique s’est grandement accrue. En plus d’être de fins tacticiens, ces coachs abordent aussi la casquette d’éducateurs, eux qui travaillent toujours main dans la main avec les centres de formations. Tuchel ne rechigna pas à faire jouer les jeunes du centre de formation lorsqu’il était à Paris (Dagba, Kouassi…). En s’acharnant à faire du cas par cas dans la progression de ses joueurs, Nagelsmann a réussi à rivaliser avec le Bayern lors des deux dernières saisons en Bundesliga, alors qu’objectivement son effectif est bien moins fourni qualitativement. Les joueurs entrainés pourraient légitiment se questionner sur l’apport purement mental d’un coach qui n’a pas connu le stress d’une rencontre de haut niveau, et pour compenser cette inexpérience handicapante ces coachs travaillent plus que les autres pour optimiser la préparation mentale. Cela va de Tuchel qui bannit les sucres rapides de la cantine du BVB pour améliorer la concentration des joueurs, à Nagelsmann qui dévoile sa composition d’équipe à ses joueurs tout juste avant le début du match pour ne pas les démobiliser et forcer tout le groupe à être perpétuellement concentré. Julian Nagelsmann alla jusqu’à s’entrainer dans des centres équestres pour améliorer ses relations avec ses joueurs. Les chevaux sont essentiellement instinctifs, ils n’ont pas de recul lorsqu’ils agissent et il en est de même pour un joueur en plein effort sur un terrain. Auprès des chevaux Nagelsmann s’entraina à stimuler l’instinct de ses joueurs de la meilleure des manières par le choix des mots, par la longueur de ses phrases et par la tonalité de sa voix. Cette nouvelle génération d’entraineurs n’oublie pas l’aspect humain, elle en est fait même l’essence du football, là où certains entraineurs, comme Guardiola, donnent l’impression de trop théoriser le football et d’oublier l’humain dans leur quête du dogme parfait.

UTILISER L’IDENTITÉ ALLEMANDE DÉJÀ EXISTANTE

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La faible récurrence du score nul et vierge en Bundesliga et sa moyenne de 3 buts par match ne sont pas le fruit de son public et de la forte affluence dans les stades puisque même cette année, alors même que les stades résonnent creux, ces statistiques sont confirmées. Le football allemand est alors essentiellement offensif, intrinsèquement protagoniste. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Le déclin de la Nationalmannschaft à la fin des années 90 et au début des années 2000 (déclin relatif puisque l’Allemagne ira tout de même en finale de Coupe du Monde lors de l’édition 2002) va pousser l’Allemagne du foot à se réinventer. L’Allemagne met un terme au football défensif et opportuniste des Fritz Walter, des Beckenbauer et des Lothar Matthäus pour prendre la voie d’un football plus moderne avec le duo Klinsmann-Löw à sa tête. Cette transition sur la voie du football de possession offensif se manifeste par le choix de Klinsmann en 2005 d’écarter Oliver Kahn et de lui préférer le portier Jens Lehmann, plus apte à participer à la construction offensive. Cette mutation révolutionnaire et nécessaire va transpirer sur la Bundesliga qui va, dès la formation, inculquer aux jeunes joueurs les principes de jeu offensifs de Löw. « Nous avons collaboré avec les clubs en les encourageant à beaucoup investir sur les jeunes » disait Oliver Bierhoff, directeur général de la sélection allemande, en 2012. Cette politique donna naissance aux Toni Kross, aux Mesut Özil et aux Thomas Müller, des joueurs déjà fin prêts tactiquement à correspondre au modèle allemand à la fin de leur formation.

Et pourtant sur ces dernières années le football allemand a encore évolué et bien qu’on y forme encore des Kimmich, on voit de plus en plus de joueurs du style de Gnabry, Sané ou bien Werner apparaitre. Le football ultra collectif de Löw s’est épuisé et s’est transformé en football ultra stérile, avec pour preuve la grande difficulté qu’a eu l’Allemagne à inquiéter dans le jeu le Mexique, la Suède et la Corée du Sud lors des phases de poule de la Coupe du Monde 2018. Cette fois-ci la Verwandlung du football allemand ne vint pas de la sélection mais vint de la Bundesliga, et comme le dit Hannes Wolf, sélectionneur des U-18 de la Nationalmannschaft : « l’approche tactique en Bundesliga est actuellement très offensive. Même chez des équipes prétendument plus faibles comme l’Union Berlin ou Wolfsburg, le football offensif est joué plus naturellement. » On se démarque du football jugé trop lent de Löw et on donne tout pour l’attaque, quitte à encaisser plus de buts. On se rapproche alors d’une sorte de Hourra Football, qui explique la croissance du nombre de buts par match année après année. L’époque des équipes destructrices qui s’accrochaient à un but sur coup de pied arrêté est désormais complètement révolue. Encore une fois selon Hannes Wolf : « l’anti-football n’existe plus en Allemagne ». Cette nouvelle règle des 5 changements possibles par match va dans le sens de la folie ambiante de la Bundesliga, les entraineurs doivent moins préserver leurs joueurs et ceux qui démarrent sur le banc veulent à tout prix briller offensivement. De plus les changements restent majoritairement sur des postes offensifs ce qui conduit à des situations défavorables pour les défenseurs.

On voit bien les trois phases par lesquelles le football allemand est passé dans ce troisième millénaire avec en premier lieu une nécessité de renouveau, puis le vent d’air frais collectif qui a soufflé pendant presque 10 ans avec en point d’orgue la victoire à Rio de la Nationalmaanschaft et les trois années de Guardiola au Bayern pour enfin arriver à la forme actuelle du foot allemand, un foot bien plus vertical et direct qui se caractérise par une réduction des touches de balles par les joueurs, un football qui se rapproche du stéréotype du Kick and Rush anglais. La New Wave des entraineurs allemands a profité de ces métamorphoses tactiques pour grandir en même temps que le football grandissait, ils ont pu travailler sereinement car de la formation des U-15 à l’équipe nationale on jouait le même football. Ils ne partent pas de rien comme c’est le cas en France. Mais ces entraineurs adeptes de la tactique l’ont bien rendu à leur championnat puisqu’ils ont contribué à améliorer la Bundesliga en perfectionnant ce qui leur était mis entre les bras.

LES NOUVEAUX PENSEURS

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Comme évoqué précédemment la pensée et le langage sont intimement liés, initialement la pensée mène au langage mais c’est le langage qui va structurer cette pensée. Lorsque au début des années 2010 la nouvelle dynamique de pressing que Klopp donne à son Dortmund entrainera la création du terme de « Gegenpressing« , le monde du football ne redoute pas encore l’influence qu’aura ce terme sur la décennie qui va suivre. Cette notion n’est pas révolutionnaire puisque le Football total de Rinus Michels des années 70 reposait certes sur la perpétuelle permutation des postes durant le match mais aussi sur un pressing très agressif à la perte de la balle, ce qui est en fait la définition du Gegenpressing. Mais enfin grâce à Klopp il existe un terme duquel on peut se réclamer être ou ne pas être. Et puisque que grâce à ce nom le Gegenpressing existe réellement, il va pouvoir être approprié et amélioré. La meilleure représentation du Gegenpressing reste celle du Liverpool de Klopp avec ses trois offensifs Mané-Firmino-Salah en plus des milieux de terrain, qui ont un volume de course si impressionnant qu’ils mettent n’importe quelle équipe essayant de ressortir proprement, sous pression. Avec ce terme de Gegenpressing Klopp a amorcé le léger déclin de la patte Guardiola à la fin des années 2010, puisque même si lors de leurs confrontations en Bundesliga, Guardiola avait l’avantage (cela est dû à la différence de qualité entres les formations de l’époque), c’est bien Klopp qui renversa Guardiola lors des quarts de finales de Champions League de la saison 2017/2018 et cela grâce à ce Gegenpressing. Le football avait, grâce à Klopp, trouvé le moyen de bloquer le jeu de position de Guardiola.

À Paris et à Chelsea T.Tuchel ne va pas vraiment s’appuyer sur les travaux de son compatriote, préférant laisser l’adversaire se casser les dents sur sa défense bien solide avant de contre-attaquer avec Mbappé-Neymar ou avec Werner-Pulisic. En revanche Nagelsmann va retravailler la théorie des « 5 secondes pour récupérer la balle des pieds du porteur du ballon » de Klopp et va préférer presser en coupant les lignes de passes vers les coéquipiers du porteur du ballon. Il trouve trop risqué de foncer sur le porteur du ballon, ainsi en coupant toutes les transmissions proches du porteur du ballon il prend moins de risque et récupère le ballon après une erreur de passe de l’adversaire, un adversaire forcé à jouer long, forcé à se tromper. Il apporte un certain équilibre à cette notion de Gegenpressing, une notion qui par nature pousse au déséquilibre de l’équipe qui l’emploie.

On voit que Klopp et ses équipes ont lancé une nouvelle mode dans le foot européen en offrant une réelle alternative au jeu de possession, en offrant même un moyen de contrer le jeu de possession qui était devenu la norme sous l’influence de Guardiola. Klopp a, à l’instar des Sebes, des Michels, et des Guardiola, théorisé une nouvelle manière de jouer au foot et si une réédition des entraineurs révolutionnaires du football devait voir le jour, il y figurerait très certainement. Mais qu’en est-il de Tuchel, de Nagelsmann et de Marco Rose, poursuivront-ils le football direct et le Gegenpressing de Klopp, qui commence à montrer ses failles? Développeront-ils le jeu de position et de possession de Guardiola en y ajoutant leur patte? Ou s’extirperont-ils du clivage possession/transition pour trouver un compromis ou pour inventer quelques nouvelles folies ? L’avenir de ces penseurs allemands est pour le moins passionnant.

4 réponses à « Entraineurs allemands, les Supernovae du Foot »

  1. Comme d’habitude superbe article ..

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  2. Comme souvent … article passionnant !!

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  3. Super article ! Les informations sont claires et les comparaisons avec la France sont vraiment intéressantes. Il permet aux novices comme moi de s’intéresser plus à ce sport sans être perdus car tout y est bien détaillé !

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  4. Comme toujours, une plume impeccable et implacable au service d’un talent inouï. Une analyse limpide et intelligente, ou plus simplement brillante.

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